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Aussi la proposition allemande, bien que le principe en soit séduisant, ne résoudra probablement pas le problème avec lequel les puissances sont aux prises. On ne sait pas encore quel accueil elle a reçu auprès des divers cabinets, à l’exception de celui de Washington. Le gouvernement américain y a répondu par un refus formel de s’y associer. La campagne pour l’élection présidentielle est déjà ouverte aux États-Unis : peut-être faut-il voir dans toutes les manifestations politiques qui viennent de ce pays, même lorsqu’elles s’appliquent à la Chine, le reflet des préoccupations intérieures dont tous les partis sont animés. Il n’était pas nécessaire, si on se place seulement au point de vue de l’action des puissances en Chine, de faire une réponse aussi cassante à la proposition de M. de Bulow, ni d’y en substituer une autre qui consiste à laisser au gouvernement chinois, « afin de lui donner l’occasion de se réhabiliter, » le soin de faire lui-même justice des auteurs des massacres. S’il y a eu de l’excès dans la note allemande, il y en a aussi, bien qu’en sens contraire, dans la réponse américaine. Il aurait suffi de demander à M. de Bulow quelle suite il comptait donner à son ultimatum, dans le cas assez vraisemblable où le gouvernement chinois refuserait de s’y soumettre : et l’entente à établir à ce propos aurait pris quelque temps. A voir la rapidité avec laquelle la proposition russe a disparu de la scène, il n’est pas interdit de penser que plusieurs autres s’y succéderont sans y laisser plus de traces, à commencer par celle de l’Allemagne. Il y a pourtant une différence sensible dans la manière de procéder des deux puissances. La Russie s’est contentée jusqu’ici d’exposer une politique ; d’après les dernières dépêches, elle commence seulement à l’exécuter, c’est-à-dire à évacuer Pékin ; mais pourquoi ne l’a-t-elle pas fait plus tôt ? Pendant plusieurs jours, elle n’a pas bougé, et les puissances qui avaient adhéré à ses suggestions n’ont pas bougé davantage. Un temps précieux a été perdu. Subitement, nous assistons à une volte-face. On assure, — la nouvelle demande toutefois à être confirmée, — que la Russie a pris possession de quelques territoires de la Mandchourie, ce qui serait en contradiction avec les assurances de désintéressement qu’elle avait données jusqu’ici. L’action allemande a un autre caractère. Avant même d’exposer une politique, l’Allemagne s’assure de tous les moyens de l’exécuter. Elle a commencé par envoyer le feld-maréchal en Chine, et ce n’est qu’au moment où il allait y arriver qu’elle a découvert son jeu et lancé sa proposition. De plus, soit par l’entraînement des circonstances, soit par suite d’un dessein préalable, les hostilités ont recommencé partout en Chine, et il ne restera au