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prend les choses au pied de la lettre, n’est pas exact. La faute initiale et finalement irréparable appartient à M. Grébauval et à ses collègues du bureau : le gouvernement n’a fait qu’en profiter et en jouer. Le banquet était déjà bien compromis lorsque la Préfecture est intervenue, et peut-être son intervention a-t-elle été plus utile que nuisible au Conseil municipal, puisqu’elle lui a fourni un prétexte pour tout décommander. Il n’aurait eu que quelques rares convives : encore ne lui en connaissons-nous qu’un, qui est M. Max Régis. Il faut désirer que cette leçon lui profite, et lui rappelle que les électeurs de Paris ne l’ont pas envoyé à l’Hôtel de Ville pour faire des manifestations politiques. C’est la seule morale à tirer de l’incident.


Il devient de plus en plus difficile de comprendre ce qui se passe en Chine, et peut-être n’est-ce pas seulement la faute de notre intelligence : jamais n’était encore apparu écheveau plus embrouillé. On n’a pas oublié, car l’histoire est d’hier, ce qui s’est passé en Crète à la suite de la guerre turco-grecque. La situation était assurément très compliquée, très confuse : pour la dénouer et l’éclaircir, on lui a appliqué cet instrument prestigieux qui s’appelle le concert européen. Aussitôt elle est devenue inextricable. Les amiraux se sont tirés d’affaire comme ils ont pu ; livrés à eux-mêmes, ils ont à peu près rétabli l’ordre et l’ont ensuite maintenu : mais les gouvernemens et les diplomates ont donné un spectacle d’impuissance si complet et si prolongé que l’Allemagne a fini par ne plus pouvoir y tenir. Elle s’est retirée du jeu : exemple à méditer.

Toutefois, cela ne l’a pas irrémédiablement dégoûtée du concert européen : elle s’est promis seulement, à la première occasion, de le conduire elle-même, se flattant que, dans ces conditions, l’harmonie ne manquerait pas de régner entre les puissances, et que l’accord parfait persisterait jusqu’au bout » Il suffisait que l’Allemagne tînt le bâton du chef d’orchestre, au lieu de se contenter, comme disait autrefois M. de Bulow, de jouer modestement sa partie de flûte au milieu d’instrumens plus sonores. L’empereur Guillaume a donc fait son affaire de la question chinoise. On connaît déjà les démonstrations auxquelles il s’était livré, ses discours retentissans, la nomination du feld-maréchal de Waldersee : son gouvernement nous ménageait une nouvelle surprise, qui vient de se produire sous la forme d’une proposition ferme adressée à tous les cabinets. On est tout d’abord tenté de remercier le gouvernement allemand de l’initiative qu’il a prise : peut-être, en cela, aura-t-il rendu service à tout le monde,