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La monture d’ivoire gravé, ou pour mieux dire ciselé, profondément entaillé et noirci dans les arabesques et les inscriptions, est appliquée, rivée, sur le massif de fer constituant la poignée, comme les attelles d’un couteau. Les deux gouttières ménagées, sur les côtés, par l’écartement des plaques d’ivoire, laissent voir ce fer, partie constituante sans doute de la soie et dilatée, en haut et en bas, en deux massifs constituant une amorce de garde, et un pommeau, également habillés d’ivoire sur deux faces. Au massif cylindrique de la garde s’oppose, par conséquent, un renflement semblable tenant lieu de pommeau. On remarquera combien cette disposition est orientale, surtout arabe. Aujourd’hui, encore, les épées droites de Mascate sont montées, dans une certaine mesure, d’après ce principe, et M. Chantre a découvert de pareils types dans les sépultures du Caucase. C’est le type antique, par excellence, où la poignée ne comporte pas de croisillons, mais un massif. C’est le type primitif, et des glaives caractérisant l’âge du bronze, et de ceux figurés sur les monumens les plus anciens que possède l’humanité. Il y a aussi, dans l’arme de Boabdil, une certaine allure marocaine, une tendance vers l’asymétrie des longues lames étroites ressemblant aux flissahs kabyles. En somme elle accuse un sentiment plus barbare que la première, et doit remonter jusqu’aux modèles des envahisseurs les plus anciens. Le fourreau, de cuir brun, travaillé au petit fer comme un délicat ouvrage de reliure, précieusement doré dans ses ornemens imprimés, écailles régulières enserrant chacune une fleurette, étonne par son extraordinaire conservation. Les garnitures sont d’argent doré avec émaux translucides et nielles formant arabesques. La chape est épanouie en godet pour loger le massif de la garde, disposition fréquente dans les armes orientales, surtout touraniennes, et aussi chez les Persans, tandis que la disposition contraire est plutôt la règle chez les Occidentaux, où une capsule dépendant de la garde forme un petit couvercle qui obture l’entrée de la chape. On comprend l’avantage de cet agencement dans les pays pluvieux et humides. Cette chape porte deux anneaux opposés destinés à suspendre l’arme, ainsi qu’on l’observe dans la plupart des épées d’arçon. Son bord inférieur, denticulé, est rehaussé d’émaux translucides rouges ; une pareille bordure ourle la bouterolle très vaste, magnifiquement niellée de méandres circulaires, d’écussons et d’inscriptions, tout comme l’entrée du fourreau.