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impression saisissante. En voyant défiler pendant plusieurs heures, d’une allure si martiale, ces multiples associations que nous avons vues tout à l’heure à l’œuvre sur toute la surface du pays, on sent qu’on a devant soi une force redoutable, militairement disciplinée, merveilleusement organisée pour la lutte, facteur indispensable du succès, mais avec laquelle il faudra compter après la victoire et qui saurait rappeler ses services, si on était tenté de les oublier.

Sans insister autrement sur les côtés critiquables d’un système électoral dont les inconvéniens sont dus surtout aux abus qui ont faussé l’œuvre des fondateurs de la République fédérale, on ne peut s’empêcher de toute façon d’être frappé de ses complications et de ses lenteurs. Les unes et les autres s’expliquaient en grande partie, à l’époque où il a été institué, par l’état rudimentaire des communications entre les différentes régions de l’Union. Des mois entiers pouvaient se passer avant que les électeurs éparpillés sur cet immense territoire pussent entrer en contact et des délais dont l’étendue serait aujourd’hui incompréhensible étaient simplement justifiés par l’énormité des espaces à franchir. Les chemins de fer et les télégraphes ont changé la face des choses, et leur développement continu rend chaque jour plus sensible l’archaïsme d’une législation qui ne se maintient que par la répugnance qu’éprouvent les Américains à porter la main sur l’édifice de leur Constitution, même pour l’améliorer. Il est à supposer que ce sentiment, d’ailleurs fort respectable, suffira à protéger longtemps encore ce mode d’élection contre des remaniemens dont l’urgence semble d’autant moins impérieuse que ses imperfections n’empêchent pas la République Fédérale de poursuivre ses merveilleuses destinées.


J. -P. DES NOYERS.