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Une campagne électorale, du genre de celle que nous venons de décrire, entraîne naturellement un grand gaspillage de capitaux. La Fortnightly Review dans un article spécialement consacré à l’élection de 1896, évaluait, il y a quatre ans, à trois millions de livres sterling (75 millions de francs) les frais généraux qu’avaient eu à supporter les deux partis rivaux. Quelque excessif que ce chiffre puisse paraître, il est néanmoins très inférieur à ceux qui sont fréquemment donnés par les journaux américains. Le Herald par exemple estimait récemment[1] à vingt-cinq millions de dollars les dépenses de la double campagne actuellement poursuivie pour le compte de MM. Mac-Kinley et Bryan. La feuille new-yorkaise entrait à ce propos dans de curieux détails, qui rendent admissible l’énormité de ces évaluations.

Le principal élément de dépenses, en temps d’élection, provient de l’extraordinaire multiplicité des réunions publiques dans un territoire aussi vaste que les États-Unis et de la nécessité de faire face simultanément aux exigences oratoires qu’elle comporte. C’est ainsi que pour la campagne actuelle le Comité national républicain a dû enrôler, à lui seul, 5 500 speakers. Or chacun d’eux coûte en moyenne 110 dollars par semaine en y comprenant le salaire de certains agens spéciaux de propagande (spellbinders) qui les accompagnent dans leurs tournées, plus 8 dollars par jour de frais divers (frais d’hôtel et autres). Ajoutons que ceux d’entre eux qui figurent en vedette sur l’affiche électorale reçoivent des honoraires beaucoup plus élevés, en rapport avec leur importance.

Il ne s’agit, dans cette première estimation, que des orateurs directement recrutés par le comité national et destinés à prendre la parole dans les grands centres. Mais chaque État a, comme nous l’avons vu, son comité particulier (state committee) qui a également à sa solde d’autres « speakers » chargés d’entretenir l’enthousiasme dans les moindres bourgs qui relèvent de sa juridiction. Des calculs approximatifs permettent de croire que le nombre de ces derniers est dix fois supérieur à celui qui a été indiqué plus haut, soit un total de 55 000 « speakers » enrégimentés sous le drapeau républicain. Ce chiffre doit être doublé si l’on admet que les démocrates déploient la même activité électorale. La mobilisation et l’entretien de cette armée oratoire

  1. 5 août 1900.