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négocier, d’accord avec le prince Tching, et qu’il en a officiellement justifié vis-à-vis de nos ministres. S’il en est ainsi, les négociations peuvent commencer sans retard et il est possible qu’elles aboutissent assez promptement, car les puissances savent certainement ce qu’elles ont à demander, et Li-Hung-Tchang s’en doute. Il pourrait dès lors se faire que les préliminaires de paix fussent signés avant que les puissances eussent résolu entre elles la question de l’occupation ou de l’évacuation de la capitale. Les opérations militaires, dès qu’elles ont été sérieusement engagées, ont marché si vite que le feld-maréchal de Waldersee risque de trouver peu de chose à faire lorsqu’il arrivera en Chine. Mais qui pourrait s’en plaindre ? Et qui pourrait se plaindre, dans un autre ordre d’idées, si les opérations diplomatiques marchaient à leur tour d’un pas assez rapide pour que les puissances se trouvassent d’accord avec la Chine sur les conditions de la paix, avant de l’être entre elles sur ce qu’il convient de faire à Pékin ? Nous mettons les choses au mieux ; peut-être nous accusera-t-on d’un optimisme exagéré ; peut-être les événemens contrediront-ils ces espérances. Si nous les mettons au pis, que peut-il arriver ? Que les troupes de certaines puissances quittent Pékin, et que les autres y restent. Dans ce cas, la cour ne rentrera probablement pas dans la capitale. Mais, au point où on en est, l’absence de la cour n’empêchera pas les négociations : elles commenceront quand on voudra.

Cela veut-il dire que la paix, lorsqu’elle sera signée, mettra fin à la question d’Extrême-Orient ? Non sans doute. En réalité, cette question restera ouverte et l’œuvre de la diplomatie sera à peine suspendue. Mais il y aura une trêve et comme un temps de repos dans le cours presque fatal de l’histoire. Chacun de nous pourra faire son examen de conscience, bien reconnaître ses intérêts et se préparer pour l’avenir. La crise actuelle aura montré seulement la fragilité de l’accord des puissances : si le malheur voulait qu’elle durât plus longtemps, elle montrerait l’acuité de leurs dissidences et la rivalité de leurs ambitions.

Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.