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l’hellénisme, les bénéfices qu’a réalisés celui-ci depuis les temps antiques apparaissent médiocres. Il a conservé la Grèce propre, celle de Périclès et de Léonidas. Il n’a gardé qu’une partie de cette Macédoine sur laquelle avaient régné les Philippe et les Alexandre. La Chalcidique et le rivage Nord de la mer Egée lui étaient acquis, plusieurs siècles avant notre ère, par ses colonies ioniennes. La seule acquisition nouvelle, c’est l’expansion au-delà des murailles de la primitive Byzance jusqu’à la Maritsa. Est-ce un résultat suffisant de tant de victoires remportées par d’héroïques empereurs et d’une royauté dix fois séculaire dont la splendeur éblouissait le monde ?

Ce ne sont ni les Grecs ni leurs vainqueurs de 1453 qui, ethnographiquement, sont aujourd’hui les maîtres de la péninsule. Sur tout le versant occidental du Pinde jusqu’à l’Adriatique, la vieille race pélasgique des Skipétars, de ces Albanais, de ces Epirotes sur lesquels a régné un roi de langue hellénique, Pyrrhus, continue à parler ses vieux idiomes, très apparentés au grec, mais qui ne sont pas devenus du grec. Toutefois cette race ne rivalise pas et n’a jamais rivalisé pour l’hégémonie politique. Le fait nouveau, créé pendant les années ténébreuses du haut moyen âge, c’est l’apparition d’une race qui couvre le Nord de la péninsule, dans sa plus grande largeur, de l’Adriatique à la Mer-Noire et à la mer Egée, qui l’occupe en une masse compacte, à peine mouchetée çà et là d’enclaves hétérogènes. Dans le processus obscur de sa formation en tribus, puis en nations, elle s’est fragmentée en deux portions inégales : à l’ouest, une nation serbe, dont les Croaties, la Bosnie, la Rascie, l’Herzégovine, le Monténégro, la Dalmatie ne sont que des provinces ; à l’est, plus homogène de religion, de civilisation, de sentiment national, les Bulgares.

A l’heure actuelle, ni la race grecque, ni la race serbe, ni la race bulgare n’ont pu se constituer en États adéquats à leur importance numérique. Il reste des Hellènes en dehors du royaume hellénique, des Serbes en dehors des États nationaux de Serbie et de Monténégro, des Bulgares en dehors de la double principauté bulgare constituée par les traités de 1878. Il est probable que, dans les circonstances les plus favorables à la constitution définitive de ces États, beaucoup de groupes nationaux ne pourront jamais se rattacher à leur centre naturel, mais seront absorbés par des races rivales ; en revanche, des groupes