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lointains, où la longueur des transports et le caractère saisonnier des échanges obligent à des découverts prolongés, bien au delà du papier à trois mois usité dans notre vieux continent.

A la vérité, ces questions, qui méritent une étude distincte, ne sont pas plus particulièrement coloniales : qu’il s’agisse de crédit ou d’adaptation des produits, comme prix ou comme qualité, aux besoins et aux facultés de la consommation, le commerce tout entier d’exportation y est intéressé, surtout pour les marchés éloignés récemment ouverts au négoce européen ; nos possessions de la côte africaine ne souffrent pas plus sous ce rapport que notre mouvement d’affaires en Extrême Orient, voire même en Russie, de nos habitudes routinières et de notre indolence. Si nous n’avons pas encore poussé notre production au degré d’intensité où l’Angleterre et les États-Unis ont conduit la leur ; si nous ne savons pas nous contenter, en le compensant par la multiplicité des affaires, du maigre bénéfice dont se satisfont les Allemands ; si nous n’avons pas suffisamment réussi, en présence d’une concurrence internationale aussi acharnée que celle dont nous avons désormais le spectacle, à nous pourvoir de l’organisation commerciale et des instrumens de crédit nécessaires, il n’est pas douteux cependant que des tentatives appréciables ont déjà été accomplies dans ce sens ; tant sous l’action du besoin qu’à l’incitation d’exemples voisins, nous commençons à nous lancer délibérément dans cette voie, et les succès déjà obtenus nous encouragent à y persévérer.

En revanche la politique coloniale est spécialement intéressée au développement de la production, et, partant, de la puissance d’achat de nos établissemens. Pour nous être laissé successivement déposséder, puis distancer, par nos rivaux, nous n’avons guère pu constituer notre empire d’outre-mer qu’avec des terres tropicales généralement impropres à l’immigration et à l’acclimatation des Européens. Nous sommes dès lors condamnés à faire presque partout de l’exploitation plutôt que de la colonisation proprement dite. Cela est vrai surtout de nos récentes acquisitions dans le continent noir : à part quelques régions favorisées comme le Fouta-Djallon, et diverses contrées de la boucle du Niger, l’Européen ne saurait sans danger s’y livrer au travail de la terre. Est-ce à dire qu’il convienne de se borner, ainsi que le font certains de nos émules, à recueillir des mains des indigènes le caoutchouc et l’ivoire, au risque de voir ces