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mot du dernier de nos classiques, on a essayé d’introduire des « pensers nouveaux. »

L’histoire du mouvement de la Renaissance ainsi comprise formerait le second chapitre ou la deuxième partie d’une histoire de la « littérature européenne. » L’évolution des genres, — lyrique ou élégiaque ; — dramatique ; — épique ou narratif, — en serait la trame. On ne disserterait point in abstracto sur la Renaissance, et, pour l’étudier, on ne commencerait point par poser qu’elle a été ceci ou cela ! On n’en déterminerait pas les caractères a priori. Mais on les verrait se dégager de l’histoire même des genres. Le seul sujet de la Sophonisbe, étudié dans ses transformations, depuis le Trissin jusqu’à Mairet, et dans les causes prochaines de ses transformations, projetterait sur l’histoire du genre tragique une lumière dont l’éclat s’étendrait à toutes les parties obscures de l’histoire de la Renaissance. Les conclusions que l’on déduirait de l’histoire du genre tragique, si peut-être elles se trouvaient trop générales ou trop ambitieuses, on les corrigerait au moyen des observations suggérées par l’évolution du genre lyrique ou du genre épique, par l’examen attentif de la Franciade ou de la Jérusalem, des Amadis ou de la Diane énamourée de George de Montemayor. Après avoir défini dans la rigueur des termes et inventorié le legs de la littérature du moyen âge aux littératures de l’Europe moderne, on essaierait de dire comment, en quel sens, l’héritage a été compromis ou amélioré, — je ne sais ni ne recherche ici lequel des deux, — par l’esprit de la Renaissance. Et, si je ne me trompe, on aurait précisé du même coup l’un des plus intéressans entre tous les points de vue d’où l’on puisse envisager l’histoire de la « littérature européenne. » C’est de savoir ce qu’une même donnée, la même à son origine et dans son fond, ce que le même thème épique ou dramatique est devenu, selon qu’il passait d’un milieu dans un autre, ou, encore, selon qu’il se nationalisait entre des frontières différentes ; et d’européen, à proprement parler, selon qu’il devenait espagnol, je suppose, ou français.


IV

Or, et par l’effet d’une rencontre qu’on serait tenté de croire due au hasard, si ce hasard n’avait, en y songeant, son explication toute naturelle, les grandes littératures de l’Europe moderne