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Révolution française. » Knox avait mieux à faire que d’équiper une dialectique orgueilleuse. Dans les circonstances où le plaçait l’histoire, il représenta la nation et la cause de l’Écosse. « Les nobles du pays, appelés par leur position à prendre ce poste, on ne les y trouvait pas ; Knox devait marcher, ou personne. Reine malheureuse ; mais pays plus malheureux encore, au cas où elle serait heureuse. » N’est-ce point, à un tournant des destinées de ce peuple, le héros national, « un homme qui ne désirait pas voir la terre de sa naissance devenue un terrain de chasse pour les intrigans et ambitieux Guise ? » La terre de sa naissance ! Voilà bien où il puisa sa force et la claire conscience de son rôle. « Qui êtes-vous ? lui demandait un jour Marie Stuart, vous qui prétendez donner des leçons aux nobles et à la souveraine de ce pays ? » — « Madame, un sujet né dans le royaume. »

Oui, il était du royaume ; et plus d’une fois dans mon voyage je crus voir affleurer aux figures rencontrées le meilleur de son âme. Car c’est l’âme même de l’Écosse, à la fois nationale et religieuse, dont la religion s’orienta selon les hasards de l’histoire qui sont peut-être la logique de la nature. Le pays a peu changé depuis cette époque où commença de s’épanouir sa moderne personnalité. Aussi Knox reste-t-il une des expressions les plus vives de l’image nationale, et il ne faut plus s’étonner si l’Écosse, qui l’a façonné, paraît son œuvre. On croit voir l’empreinte du Réformateur sur les âmes que modèle encore le vieux génie du pays et de la race. N’avais-je point devant moi comme une effigie de sa propre figure en cet après-midi un peu vide et triste, où la tiédeur du recueillement dominical favorisait ma rêverie ? ...

Le lendemain, nous quittions à regret nos hôtes d’Elmswood, pour continuer notre tour des Highlands, et nous arrivions vers le soir à ce paradis de verdure, d’eaux glacées, de vallons et de ravins où une mouvante marée de feuillage assiège les îlots silencieux que forment les pelouses autour des châteaux et des villas. C’est la fraîche Écosse solitaire, dont les pentes ondulent comme des vagues boisées qui s’effondrent en gorges sombres ; la région des bouleaux pleureurs et des cascades, boisée, mouillée capricieuse et murmurante, au Nord du comté de Perth, à l’entrée de cette forêt d’Athollui le sépare des comtés d’Aberdeen et d’Inverness. Nous descendons à Blair Stholl. Sur le quai de la petite gare, Mrs B... nous attend, très simple et tout en noir. Elle a choisi cette station un peu plus éloignée de sa maison pour nous