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« Je pense, dit-il, qu’un détroit vraiment étroit doit être défendu en dedans et non en dehors, — tout comme, à terre, un défilé, — surtout quand le défenseur a sur l’une des rives un établissement maritime sérieux, qui menace le flanc ou les derrières de l’assaillant. D’en donner tous les motifs, ce serait trop long en ce moment. Un peu de réflexion y suffit d’ailleurs, avec l’étude des opérations de 1675 entre Duquesne et Ruyter, devant le détroit de Messine. En tout cas, c’est là de la tactique, de la grande tactique, comme on dit dans l’armée.

« Maintenant, qu’une fois le principe admis, on recherche, en s’inspirant des circonstances particulières, quel doit être le dispositif d’ensemble de la force navale chargée de la défense, rien de mieux, et on fera encore de la tactique, de la tactique au deuxième échelon.

« Il en est enfin un troisième, intéressant encore, mais moins essentiel : c’est l’ordre que le gros de cette force navale adoptera pour se jeter sur l’adversaire qui vient de franchir le détroit. Or c’est là seulement qu’interviennent les évolutions, si tant est qu’il y ait lieu d’en faire...

« Et j’ajoute ceci : mon principe fût-il contesté, jugeât-on qu’au contraire il faut défendre le détroit en dehors, mon argumentation resterait entière, car c’est là, et non point ailleurs, que serait toujours le problème tactique capital.


« Croyez-vous, pour prendre un autre exemple, que l’amiral espagnol ait appliqué de sains principes de tactique quand il a essayé de rompre de vive force le blocus de Santiago ? ... Non, n’est-ce pas ? Une règle précise, qu’il a complètement méconnue, lui prescrivait de jeter une ou deux de ses plus fortes unités sur les Américains pour permettre aux autres de gagner au pied, en suivant, du reste, des routes divergentes, autant que possible. Tout le monde est d’accord là-dessus, ce qui prouve bien l’existence de cette règle, existence virtuelle, tout au moins. Et cela démontre aussi l’existence de principes de tactique qui sont tout autres que ceux d’après lesquels on fait tracer par une belle escadre, sur l’azur des flots, des figures géométriques de complication croissante.

— Mais sont-ils formulés, ces principes ; et où ?

— Nulle part, malheureusement. C’est une lacune à combler.