Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 161.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
LA RÉFORME DE LA SYNTAXE.

prouve qu’entre les « difficultés » d’une langue et les progrès de sa diffusion parmi les étrangers, ou il n’y a pas de rapports, ou ces rapports ne sont pas ceux que pense le Conseil supérieur de l’Instruction publique. L’apprendrai-je à quelqu’un qu’entre toutes les langues actuellement parlées à la surface du globe, il n’y en a pas de plus universellement répandue que l’anglais, quoique d’ailleurs il n’y en ait pas où la figure des mots diffère plus de la manière dont ils sonnent, et que même l’on soit moins assuré de pouvoir parler parce qu’on la lit ? Tenons donc pour certain qu’en altérant systématiquement la physionomie de notre orthographe ou de notre syntaxe française, nous n’en aurons pas rendu pour cela l’étude « moins difficile aux étrangers. » Si nous voulons que les étrangers apprennent notre langue, — et moi-même, qui écris ces lignes, je crois le désirer autant que personne, et voilà tantôt soixante-quinze ans qu’on y travaille dans cette Revue, — donnons-leur, créons-leur des raisons de l’apprendre. La manière en est connue, si d’ailleurs elle n’est pas à la portée de tout le monde, et nos grands écrivains nous l’ont enseignée, depuis Montaigne jusqu’à Renan. Mais ne nous imaginons pas que la suppression de la règle des participes y soit de quelque chose ! Une certaine difficulté d’apprendre le français en ferait même plutôt le caractère aristocratique. Et, en fin de compte, à tant d’étrangers, qui de cette langue n’apprécient guère que ce qu’il en faut pour commander leur dîner dans nos restaurans à la mode ou pour négocier une affaire de cœur dans le promenoir des Folies-Bergère, ne procurons pas nous-mêmes, avec des sourires et des façons d’entremetteur, les moyens de l’écorcher.

Une autre raison, d’un tout autre genre, mais non pas pour cela meilleure, est celle que l’on tire des complications de notre syntaxe, et des inconvéniens qui en résulteraient dans nos concours et dans nos examens. L’auteur du : Rapport présenté au nom de la Commission chargée de préparer la simplification de la syntaxe française enseignée dans les Écoles primaires et secondaires, y a fortement insisté. « Quand on lit les grammaires françaises élémentaires, dit-il, et surtout les exercices qui y sont joints, on est étonné du nombre considérable de complications ou de subtilités qu’on y trouve. » De la part d’un professeur, c’est en vérité son étonnement qui nous étonne. Il en est à cet égard d’une langue comme d’une science ; et on pourrait avec autant