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chef de bataillon Noël jeune qui les a pris ; il était de la colonne que commandait Toussaint Louverture. C’est auprès de Toussaint que doivent se trouver ces deux officiers.

Je viens de porter moi-même à ce général la lettre que le général en chef m’avait remise pour lui. J’ai lieu d’espérer, de l’entretien que j’ai eu avec lui, le retour de la tranquillité dans toute la colonie. Il va répondre au général en chef et lui adresser sa lettre par un de ses aides de camp.

J’éprouve, comme vous, mon Général, le désir sincère de vous voir et de vous embrasser. J’en hâterai l’instant autant que me le permettront les opérations que vous me prescrivez et celles qu’exige le retour parfait de l’ordre dans ces quartiers.

Salut et considération.

Henry Christophe.


Au Cap Français, 16 floréal (6 mai).

Le général de division Hardy à sa femme.

Nous commençons à respirer et à nous reconnaître. Voilà la guerre finie ; les chefs des rebelles se séparent et se rendent à nous avec leurs troupes. J’ai été assez heureux pour donner le branle à tout cela en amenant adroitement Christophe à Jubé.

Toussaint arrive demain[1]. Il n’y a plus contre nous que Dessalines, qui est un monstre plus affreux que les autres. Nous ne pouvons pas compter que nous l’aurons facilement ; mais il n’ira pas loin.

Nous voici plus tranquilles, et j’en suis fort aise ; car c’est un terrible métier que la guerre dans ce pays. Jusqu’à présent, j’ai eu une besogne d’enfer : je commande la moitié de l’île, et Rochambeau, l’autre moitié. C’est moi qui ai le plus de peine, parce que le Nord a toujours été plus remuant que le Midi.

Nous touchons à la saison des grandes chaleurs ; je me prépare à les éviter autant que possible. Leclerc m’a permis de disposer d’un jardin qui est dans les mornes, près du Cap, et qui a appartenu aux religieux. Ce jardin me donne des fruits en abondance

  1. Il a proposé de se soumettre. Leclerc lui écrit le 3 mai : « Le capitaine-général accepte la soumission du général Toussaint Louverture, et lui donne l’assurance que ses troupes seront traitées comme celles de l’armée française. » Hardy écrit à Clauzel, le 7 mai : « La garde de Toussaint arrivera demain à Plaisance. Passez-la en revue, et dites-moi ce que vous en pensez. «