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de l’armée française, il est prisonnier de guerre ; et, sous ce triple rapport, il a droit à des égards et à du respect.

J’aime à me persuader, Milord, que vous reviendrez à des idées plus justes sur son compte, et que l’esprit de prévention ne l’emportera pas sur la droiture qui doit caractériser les hommes que le mérite ou la fortune a placés sur un grand théâtre. L’adjudant-général Wolfe-Tone est un honnête homme ; sa bravoure et ses actions d’éclat lui ont mérité la confiance du gouvernement français et l’estime de tous les soldats qui ont l’honneur pour guide. Je ne dois donc pas vous cacher la surprise qu’il me cause en m’apprenant que vous le faites traiter ignominieusement comme un scélérat.

Je réclame, au nom du gouvernement français, toute votre équité pour ce malheureux officier. Si le sort des armes vous a favorisé au combat du 21 vendémiaire, je ne puis croire que vous vouliez vous prévaloir de ce succès pour avilir la nation française dans la personne de son adjudant-général Wolfe-Tone.

C’est cependant ce qui résulte de l’acte infamant qui vient d’être commis à son égard.

J’ose espérer, Milord, que vous prendrez ma lettre en prompte considération et que je pourrai informer le Directoire exécutif que votre conduite envers l’adjudant-général Wolfe-Tone est plus conforme aux principes de la justice.

GENERAL HARDY.


Le vice-roi d’Irlande fit répondre par son secrétaire, M. Taylor, au général Hardy :

« Son Excellence n’ignore point les égards et les soins qui sont dus aux prisonniers de guerre que le succès des armes du Roi a fait tomber entre ses mains ; la volonté de Sa Majesté serait mal observée si les officiers français, pris dans le combat du 12 octobre, avaient à se plaindre de notre conduite envers eux.

« Quant à T. Wolfe-Tone, Son Excellence ne le connaît que comme un traître, qui voulait revenir en Irlande pour tenter par la force des armes ce qui n’a pu réussir par ses intrigues, qui n’a cessé d’y semer la rébellion et la discorde, et qui vient enfin d’y être conduit pour recevoir la punition due aux crimes dont il s’est rendu coupable envers son Roi et sa Patrie[1]. »

  1. Wolfe-Tone, conduit à Dublin pour y être jugé, déploya un grand caractère dans sa défense. Fidèle aux principes stoïques qu’il avait toujours professés, il envisagea la mort en sage et se la donna lui-même pour épargner à ses nombreux amis la douleur de le voir périr sur l’échafaud. (Jomini. Guerres de la Révolution.)