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Si les lieux de pêche sont nettement délimités, les ports d’armement en France pour cette pêche ne forment pas de groupes séparés ; ils sont même très enchevêtrés. En effet, sur la partie de nos côtes qui arme pour la grande pêche, et qui s’étend du Nord au Sud, depuis Dunkerque jusqu’à Paimpol, voici comment y sont répartis les principaux ports d’armement :

Fécamp, Granville et Saint-Malo arment pour Terre-Neuve ;

Dunkerque, Saint-Brieuc, Binic et Paimpol pour l’Islande ;

Boulogne et Fécamp pour la mer du Nord.

À Terre-Neuve, nos lieux de pêche sont d’abord le grand banc de Terre-Neuve, où, en somme, tout le monde a le droit de pêcher, ensuite une partie de la côte de la grande île de Terre-Neuve.

Le grand banc, situé au Sud-Est de Terre-Neuve et d’une dimension sensiblement égale à celle de cette île, est un vaste plateau sous-marin sur lequel les navires de pêche peuvent faire mordre leurs ancres, le fond y étant généralement de 60 mètres. Autrefois, il y a deux cents ans. Anglais et Français se disputaient Terre-Neuve, et les marins des deux nations qui en exploitaient la pêche y étaient mélangés, échangeant souvent force horions. Le traité d’Utrecht (1713) régla les droits de chacun de la manière suivante : les îlots de Saint-Pierre et de Miquelon étaient cédés en toute propriété à la France ; l’Angleterre restait souveraine de la grande île de Terre-Neuve avec cette restriction qu’une partie de la côte Nord serait exclusivement réservée aux pêcheurs français, qui d’ailleurs ne pourraient y élever que des constructions de fortune en rapport strict avec leurs besoins pour la pêche. Après quelques rectifications librement consenties des deux parts, la côte française (French-shore) s’étend actuellement, en passant par le Nord, du cap Baye à l’Ouest au cap Saint-Jean à l’Est[1].

À une époque relativement récente, sont survenues des difficultés fondées par les Anglais sur un prétexte bien étrange : certes ils ne dénient pas à nos compatriotes le droit de pêche, mais certains de ces derniers ayant renoncé à la morue pour la capture du homard, de ce fait, disent les Anglais, les conventions internationales sont violées, parce que ce n’est plus de la pêche, attendu que le homard n’est pas un poisson. Voilà assurément un bien curieux exemple de l’influence que peut avoir sur les

  1. Voyez, dans la Revue du 15 février 1899, la Question de Terre-Neuve, par M. Paul Fauchille.