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sur son bureau un monceau de brouillons qu’il s’occupait de recopier et de mettre en ordre. Si par hasard l’Empereur, occupé ailleurs, était vingt-quatre heures sans venir dans son cabinet, Meneval avait l’ordre de le faire chercher à travers les Tuileries pour lui rappeler que le cabinet serait bientôt encombré de lettres non répondues.

A Saint-Cloud, à Compiègne, à Rambouillet, à Fontainebleau, au grand Trianon, le travail est le même. S’il y a une chasse, elle ne commence qu’à midi pour finira deux heures, et encore a-t-on dîné au rendez-vous. L’Empereur ne se plaît qu’à paperasser. En parlant pour la chasse ou pour la promenade ou pour quelque gala, il dit : « — Oh ! mon cher cabinet, quelle peine à te quitter ! » Et bientôt il y raccourt en disant : « — Oh ! mon cher cabinet, je te retrouve ! » Meneval, dans une lettre intime écrite de Saint-Cloud, admire, tout en la déplorant un peu, la terrible activité de l’Empereur : « Quel métier que celui de souverain, si tous les princes ressemblaient à celui-ci ! Quant à moi, j’ai travaillé hier avec l’Empereur depuis midi jusqu’à deux heures du matin. Ce matin, j’étais au travail à sept heures, il en est onze. L’Empereur, qui est parti à huit heures pour aller chasser entre Versailles et Villepreux, rentre au moment même. Je vais courir un quart d’heure à cheval dans le parc pendant qu’il va déjeuner. »

La guerre n’interrompt pas le service de Meneval. De 1805 à 1807, il suit l’Empereur au camp de Boulogne, en Allemagne, en Autriche, en Prusse, en Pologne. Sa correspondance est toujours nombreuse. Le lendemain d’Austerlitz, Napoléon dicte la proclamation à l’armée, le bulletin de la bataille et quatre lettres ; l’avant-veille d’Iéna, il dicte le deuxième bulletin de la Grande Armée, une longue note sur le traitement et la solde des prisonniers de guerre, officiers et soldats, un ordre général pour Berthier, des instructions détaillées pour Lannes, pour Murat, pour Soult, pour Davout, un ordre à Duroc, deux lettres à Talleyrand, une lettre au roi de Prusse, une lettre à Joséphine, en tout près de mille lignes.

Depuis l’entrée de Meneval au cabinet, l’Empereur avait voulu plusieurs fois le marier. Joséphine lui avait même proposé plusieurs partis. Meneval préférait choisir lui-même. Il épousa, à la fin de septembre 1807, une jeune fille de quinze ans, Mlle Virginie Comte de Montvernot. L’Empereur mit 50 000 francs dans la corbeille,