Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/830

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1 700 couturières et 300 maisons de confection, — d’importance très inégale, pour lesquels travaillent au moins 80 000 individus.

La concurrence des magasins de nouveautés ne semblerait pas avoir préjudicié depuis trente ans aux vêtemens sur mesure, si l’on en jugeait par le nombre des couturières parisiennes, qui n’a cessé de s’accroître : il était de 700 seulement en 1872. La plupart sont à la tête d’une quinzaine d’ouvrières ; une centaine d’ateliers atteignent ou dépassent l’effectif de 50 personnes ; enfin, six couturiers de premier ordre commandent un bataillon enjuponné de 400 à 600 employées, hiérarchisées en « grandes premières, » premières « de parties » et « de tables, » apprêteuses, garnisseuses, corsagières et « associées, « manchières ou manchottes, jupières, « bonnes mains, » mécaniciennes, collaborant à divers titres aux atours signés du nom célèbre.

Celui qui porte ce nom est tantôt un enfant du métier, comme M. J. Doucet, dont les grands parens vendaient en 1815 des bonnets sous une porte cochère, avant de s’établir marchands de vraies dentelles boulevard Saint-Martin ; la seconde génération se fit une spécialité des points anciens et rares ; la troisième passa, sous la République actuelle, de la lingerie aux costumes, où son succès lui permit d’élargir le théâtre de ses opérations, devenu trop étroit pour contenir sa gloire. D’une simple boutique de coiffeur sortit un autre établissement de couture, dont le fondateur, M. Félix Poussineau, prend une part active et intelligente aux œuvres philanthropiques d’aujourd’hui. Au salon de coiffure avait été annexé d’abord un rayon de chapeaux ; après le chapeau vinrent naturellement les manteaux et les robes ; puis, par la liaison naturelle des « trousseaux de mariées, » ce fut le tour de la lingerie.

Le couturier actuel, renouvelé du moyen âge, où les tailleurs avaient le monopole d’habillement des femmes de la noblesse et de la riche bourgeoisie, ne remonte pas au delà du second Empire. Sous Louis-Philippe les clientes apportaient leurs étoffes à des couturières, qui travaillaient uniquement à façon. Une d’elles, dans l’almanach Bottin de 1850, ajouta la première, à ses nom et adresse, cette formule : « Confections pour dames. Seule maison dans Paris où l’on trouve tout fait robes de femmes et d’enfans en tous genres. » Voyant que les couturières se mettaient à fournir des tissus, qu’elles achetaient au fur et à mesure de leurs besoins, le commis de l’un des principaux marchands