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d’hommes, qui se mit à regarder au fond des yeux le capitaine.

— Il y a quelque chose de plus étonnant encore, et ceci vous expliquera ma phrase, que je n’aurais pas joué avec vous, si j’avais plus tôt remarqué certaine chose, c’est que...

Le capitaine rapprocha sa chaise de celle de Roslyn, lui prit la main, et lui parlant presque dans l’oreille :

— C’est que... ces deux hommes qui me furent néfastes... avaient tous deux, comme vous... des anneaux d’or aux oreilles.

— Bizarre !

Roslyn se croisa les bras. Il songeait. Son imagination inventive entrait en campagne. Une idée étrange commençait à germer dans son esprit.

Morbleu ! il devait y avoir un coup à tenter avec un homme sur qui on pouvait exercer une influence pareille. Mais quel coup ?

Alors il ralluma sa pipe, en tira silencieusement quelques bouffées, puis, se préparant à partir, s’informa de l’heure précise à laquelle le capitaine comptait lever J’ancre le surlendemain.

— Six heures !


Au moment où, quittant le Città di Messina, il descendait la passerelle, Roslyn se croisa avec l’agent d’une compagnie d’assurances.

— Tiens, Gottlieb, que venez-vous faire ici ? ... Vous pensez donc qu’il y a de l’argent à gagner pour vous ?

— Peut-être ; je vais proposer au capitaine de l’assurer contre le risque de mort par accident.

— Vous ne faites donc plus l’incendie ?

— Non, il y a trop de concurrence, tandis que mon nouveau genre accidens prend bien.

— C’est pourtant fièrement scabreux d’assurer les équipages du long cours. Comment une compagnie sérieuse peut-elle engager de pareilles opérations ?

— Vous avez raison ; mais ma Compagnie n’assure que des individus isolés, et couvre seulement le cas où, le navire arrivant à bon port, l’homme assuré a seul péri. Or, remarquez-le bien, les matelots ne s’assurent pas, les officiers seuls s’assurent. Comme ceux-ci ne montent pas dans la voilure et ne se risquent guère sur les gaillards par gros temps, ils courent très peu de dangers de chute ou d’enlèvement à la mer. Aussi ma Compagnie