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ottomane, à la navigation du canal de Corfou, et à la répression du brigandage, ce document se terminait par l’invitation, adressée « en conséquence » au Sultan et au Roi des Hellènes, d’accepter le tracé « unanimement réglé « par les cours médiatrices. On procéda immédiatement à la signature, puis, dans une brève allocution, le prince Hohenlohe prononça la clôture de nos séances, et déclara que l’Acte final « était la manifestation solennelle de la volonté de l’Europe. »


VI

Tout semblait terminé. Qui donc eût osé croire qu’on était au début d’une nouvelle campagne ? On regardait que les Puissances avaient, cette fois, dit le dernier motet comprimé toute résistance de la Porte ; le ministre de Grèce à Berlin recevait les félicitations générales ; la délivrance de l’Épire et de la Thessalie paraissait un fait accompli et désormais intangible. La situation, en effet, n’était plus la même qu’à l’issue du Congrès : si l’on avait pu, à la rigueur, discuter la valeur d’un protocole mentionné laconiquement et presque sous forme incidente dans un traité consacré à d’autres objets, maintenant les Puissances, spécialement assemblées, avaient affirmé leur « volonté » en qualité de médiatrices, et de la manière la plus « solennelle », selon les expressions mêmes du président de la Conférence. On avait devant soi, non plus une simple phrase, mais bien un instrument diplomatique parfaitement significatif et régulier. Comment supposer que la Turquie entrerait en lutte contre un acte aussi péremptoire, et, ce qui eût paru plus étrange encore, que les grandes Cours laisseraient remettre en cause la question qu’elles pensaient avoir souverainement résolue ? En dépit de ces raisonnemens fort justes, telle était cependant la surprise qui nous était réservée.

Serrons ici les choses de plus près. L’Acte final était, sans doute, l’œuvre du tribunal le plus élevé qui pût être appelé à statuer sur une question internationale ; il exprimait en termes incontestablement clairs la pensée unanime des Puissances ; le tracé était conforme à tous les principes de la géographie stratégique : toutes les déclarations du document européen étaient décisives. Mais il lui manquait cet élément majeur qui seul peut donner de la force aux combinaisons plus ou moins légitimes de la diplomatie,