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de se dérouler ne se réparent pas par l’expression de quelques regrets, par le désaveu de quelques personnes, ou même par le paiement de quelques indemnités. Complice ou incapable, le gouvernement chinois a encouru des responsabilités plus lourdes, sur lesquelles, dans l’ignorance des événemens, nous ne pouvons pas nous prononcer encore, mais qui seront certainement rendues effectives. L’usage qu’il a fait de sa propre liberté nous autorise ou plutôt nous oblige à prendre des précautions contre le retour de pareils excès. Évidemment, les armées alliées, après s’être montrées à Tientsin, ne rentreront pas purement et simplement, dès le lendemain, dans leurs pays respectifs. Probablement l’escadre internationale, que Li-Hung-Chang peut voir se réunir à Shanghaï, a son but et saura l’atteindre. De même, les légations étrangères à Pékin ne pourront pas rester à la merci d’une populace naturellement fanatique, ou artificiellement fanatisée. Il y a là des conséquences inévitables d’une situation qui a trop duré. Mais, si le gouvernement chinois veut en éviter de plus graves encore, il n’a pas un moment à perdre pour le dire : et il devra tenir un tout autre langage que celui qui orne la correspondance de l’empereur Kuang-Su.


Au moment de terminer, les journaux nous apportent la tragique nouvelle de l’assassinat du roi d’Italie. Nous ne pouvons aujourd’hui faire autre chose que d’exprimer pour notre part la réprobation indignée qu’un tel crime soulèvera dans tout le monde civilisé. Ce n’est l’heure ni de se livrer à de longs commentaires, ni de songer à tracer, du souverain qui vient de succomber, un portrait historique. Mais il semble bien que, si jamais prince n’eut à aucun degré figure de tyran, et par conséquent dût être à l’abri de cette sorte d’attentat, c’était le roi Humbert. Pourtant, — après combien de tentatives manquées ! — voici que la folie sanguinaire a trouvé son chemin jusqu’à lui. Sa mort s’ajoute à celle du président Carnot, de M. Canovas, de l’impératrice Elisabeth d’Autriche. Quelques divisions artificielles ou temporaires que la politique s’efforce de maintenir entre les peuples les mieux faits pour mettre en commun leurs joies et leurs tristesses, la France se sentira de toutes façons très près de la nation voisine en ce jour de cruelle épreuve.


FRANCIS CHARMES.