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n’en est pas moins couvert de sang et avec lequel le monde civilisé aura des comptes redoutables à régler. Mais l’Angleterre, dans la situation assez délicate où l’a placée la guerre du Transvaal, privée d’une armée disponible au moment où elle en aurait le plus grand besoin, inquiète en présence d’événemens qui la touchent de si près et qu’elle ne peut pas diriger à son gré, sur lesquels même elle ne peut pas influer avec autant d’efficacité qu’elle n’aurait pas manqué de le faire dans d’autres circonstances, l’Angleterre ménage tout, et elle a jugé sans doute qu’elle devait avoir des ménagemens particuliers pour le négociateur éventuel que la Chine s’apprête à mettre aux prises avec les puissances. De Hong-Kong, Li s’est rendu à Shanghaï, où il a été reçu beaucoup plus froidement. Il a traversé la concession française comme un simple citoyen, et les tentatives qu’il a faites pour se mettre officiellement en rapport avec le corps consulaire ont échoué. Les consuls des puissances l’ont vu individuellement, mais non pas collectivement, et se sont contentés de lui dire qu’aucune négociation, aucun échange de vues ne pouvait avoir lieu avant qu’on fût définitivement fixé sur le sort des ministres à Pékin.

C’est l’attitude qu’a prise, tout le premier, M. Delcassé, en réponse à l’ouverture qui lui a été faite et dont nous allons parler. C’est aussi celle que toutes les puissances ont adoptée, et avec grande raison. Suivant que les ministres ont été massacrés ou qu’ils ont été sauvés, la situation apparaît en effet différente, et cela non seulement au point de vue de l’humanité et du sentiment très respectable qu’elle provoque, mais au point de vue du droit des gens et des intérêts qui s’attachent à son respect. Si les ministres ont péri, ou s’ils périssent, — car ils ne nous paraissent pas dès maintenant hors de danger, — le plus odieux des attentats aura été commis contre le droit des gens, c’est-à-dire contre ce qui constitue l’état des nations les unes à l’égard des autres. Un pareil crime doit entraîner un châtiment proportionné à son énormité. Si, au contraire, nous sommes seulement en présence de phénomènes anarchiques, très graves à coup sûr, mais non pas inexpiables, le devoir de l’Europe se réduit à une double tâche : obtenir de la Chine des indemnités pour les multiples dommages causés par la faiblesse de son gouvernement et les excès des Boxeurs ; et obtenir aussi ou s’assurer à tout prix des garanties effectives contre le retour de semblables événemens. Dans le premier cas, une marche sur Pékin s’impose impérieusement ; dans le second, c’est à voir.

Nous avons dit un mot de la démarche que l’empereur Kuang-Su a faite auprès du Président de la République française. L’étonnement a