ressources, puisque l’on ne trouve pas dans ces terres australes, comme cela a lieu dans les terres arctiques, des habitans et du gibier. Ici point d’Esquimaux, point d’ours, point de rennes, point de navires baleiniers, point de chasseurs de phoques : le continent antarctique n’est qu’un désert stérile.
La meilleure chance était que la banquise changeât de direction et dérivât vers l’Ouest. Là, en effet, on savait trouver, vers le 140e degré de longitude ouest, une vaste dépression, un golfe profond, une mer libre, où James Ross, en 1842, s’était avancé jusqu’au point le plus élevé qui ait été atteint, jusqu’au parallèle de 78°10′.
En fait, ce fut cette dernière alternative qui se présenta ; le salut de la Belgica est dû à la marche vers l’occident de la banquise qui l’emprisonnait. Mais combien capricieuse fut cette marche ! La plaque glacée qui portait le navire allait vers les quatre points cardinaux au gré des vents qui la poussaient.
Ce fut une série continuelle d’allées et de venues accomplies au hasard de la brise. La Belgica parcourut ainsi sous l’action des courans atmosphériques les mailles d’une toile de Pénélope se défaisant et se refaisant sans cesse. Après avoir été ballottée dans un espace d’environ 10 degrés, tant en longitude qu’en latitude, pendant près d’un an, elle fut amenée enfin, par une dérive plus rapide vers l’Ouest, à 22° de longitude de son point de départ. Le 14 mars 1899, après avoir échappé à tous les périls, le navire, dégagé de la banquise qui l’enserrait et des icebergs qui menaçaient de l’écraser, s’élançait libre dans la mer ouverte. Deux semaines plus tard, il arrivait à Punta-Arenas. Un télégramme, expédié à la Société royale de Géographie de Bruxelles, annonçait l’heureux événement. Après quinze mois de silence absolu sur leur sort, le monde savant apprit avec satisfaction le retour des hardis pionniers.
Les résultats de cette campagne sont bien loin d’être à dédaigner. Ils sont de divers ordres. Nous ne parlons pas des résultats moraux. Les explorateurs ont donné, pendant les heures difficiles de leur croisière dans les parages du monde le plus affreusement désolés, un admirable exemple de force morale et d’énergie. Les exemples de ce genre ne sont jamais inutiles.