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lilas du Japon tout en fleurs, bordée de deux lignes de boutiques, mène du débarcadère à la forteresse : c’est tout Quang-Tri.

Il ne nous restait plus que soixante-deux kilomètres à faire, -en sampan, pour atteindre Hué, où j’arrivai le 21 mars 1897, après avoir traversé l’Indo-Chine dans sa plus grande largeur. A Hué, ou plus exactement à Tourane, prenait fin une des parties les plus captivantes de mon long voyage en Asie, celle qui m’avait présenté le plus d’attraits dans sa nouveauté. Je laisse à d’autres plus compétens le soin de dégager toutes les réflexions économiques ou politiques que peuvent susciter les pays que j’ai parcourus. J’ai voulu simplement noter les impressions sincères et personnelles que j’ai ressenties. Elles sont, je le déclare, ineffaçables. Il me sera notamment impossible d’oublier jamais l’émotion ressentie si souvent, depuis Xieng-Tung et Xieng-Sen, par les belles nuits du grand fleuve, en me remémorant les efforts héroïques des hommes de pensée et d’action qui nous ont acquis cette admirable possession, les Doudart de Lagrée, les Francis Garnier, les Pavie et tant d’autres ! Je comprenais la justesse et la hardiesse de leur conception, les difficultés qu’ils avaient dû vaincre, et l’ardeur de leur patriotisme ! Et moi, simple femme qui parcourais, avec tant d’intérêt et d’agrément, la voie qui leur avait coûté tant de peine à ouvrir, je me sentais toute vibrante de gratitude et d’admiration pour ces Français si vaillans qui ont tant ajouté au patrimoine de la France !


ISABELLE MASSIEU.