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C’était là le point délicat, la seule sanction pratique, à vrai dire, que comportât immédiatement le Congrès de Genève, si toutefois les congressistes, une fois rentrés dans leurs pays respectifs, demeuraient fidèles à leur audace genevoise. Aussi, lorsque à Berne, en 1868, cette Ligue révolutionnaire tint un second Congrès, le débat capital s’engagea tout de suite sur cette proposition redoutable, d’origine germanique : « Si la Ligue décrète qu’elle interviendra contre une guerre, le Congrès considère d’avance comme justifié tout moyen propre à couper court aux événemens. » La formule fit réfléchir les plus ardens congressistes : finalement, Charles Lemonnier et Fribourg, l’un des fondateurs français de l’Internationale des travailleurs, en obtinrent la suppression, mais l’on vota, du moins, l’« engagement à ne participer d’aucune façon à la guerre, » puis un projet, mal défini, d’ « organisation militaire d’une armée de la paix ; » et Fribourg enfin, le naturel revenant au galop, parla de son mieux pour faire accepter par le Congrès une proposition conseillant, en cas de guerre, la grève générale. Le Congrès hésita, puis refusa : cette proposition avait un relent socialiste, et les bourgeois et les ouvriers, en terre bernoise, s’entendaient plus mal encore qu’en terre genevoise. A tous les détours de la discussion, durant le Congrès de Berne, la question sociale surgissait, sorte de spectre méphistophélique qui semblait défier l’harmonie de l’assemblée. Le Congrès de l’Internationale, tenu à Bruxelles peu de jours auparavant, avait dédaigneusement voté l’abstention à l’égard de cette assemblée bourgeoise qui devait, cependant, faire les plus consciencieux efforts pour paraître révolutionnaire ; mais certains membres de l’Internationale, qu’un séjour obligatoire à Sainte-Pélagie avait privés du voyage à Bruxelles, se rappelèrent à l’attention publique en faisant schisme et en adhérant, au contraire, au congrès de Berne. Après ces querelles de ménage entre ouvriers, ceux qui pouvaient se donner, à Berne, comme représentans des travailleurs durent affecter la violence, afin de désarmer ou de réfuter les suspicions bruxelloises, et Bakounine, qui, lui, incarnait la violence, n’eut pas besoin de l’affecter. On discuta longuement si l’on devait accepter la formule de l’ « égalisation des classes ; » Bakounine était pour, Fribourg contre, Chaudey pour et contre ; finalement elle fut repoussée, et les « collectivistes égalisateurs » de tous pays fondèrent alors l’Alliance internationale de la Démocratie socialiste. On se retrouva d’accord