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La première a été l’émancipation des Khas, ce bon petit peuple travailleur, corvéable à merci, qui était livré aux mandarins laotiens, et devait leur fournir toutes les ressources nécessaires à l’existence. C’est là une mesure de premier ordre, si l’on considère que ces primitifs, généralement traités de sauvages, représentent les races d’avenir du Laos, et que nous commençons à nous appuyer sérieusement sur elles. Au début de l’occupation, ils fuyaient notre approche ; aujourd’hui, ils sont les premiers à apporter leurs protestations et leurs réclamations au Po-Mè, c’est le nom qu’ils donnent au commandant supérieur et qui signifie « père et mère[1]. » Pour les familiariser avec nous et les initier à nos procédés de culture, on choisit dans les villages, à l’occasion de la corvée à faire, qui est pour tous de vingt jours par an, des hommes qu’on renvoie, leur service accompli, avec des graines pour récompense. Le chef de village en est informé et a l’obligation de veiller à ce que les graines soient semées et à ce que ces hommes apprennent aux autres la manière de les cultiver.

La seconde réforme a été la libération des esclaves. Ces mots, beaucoup trop gros, disent improprement la chose, car les esclaves étaient, pour parler exactement, les cliens de leurs patrons. Ils faisaient partie de la famille, mangeaient avec elle, et profitaient quelquefois des bénéfices qu’elle leur assurait. Pour garantir l’exécution de cette mesure dans les conditions les moins défavorables pour les uns et les autres, les esclaves pour dettes — si nombreux dans ce pays, où l’on se vend et où l’on donne ses enfans en paiement — se sont vu diminuer leur dette de quatre ticaux, environ 6 fr. 40 par mois. Cette mesure, d’après le calcul établi avec le roi, doit aboutir à la suppression totale de l’esclavage en deux ans et demi.

La troisième réforme a eu pour objet de rendre tout le monde égal devant le justice. Certaines castes privilégiées échappaient à la juridiction du tribunal ordinaire, et ne relevaient que du roi et de quelques grands fonctionnaires. Cela n’existe plus.

Par la quatrième réforme, l’impôt, qui n’atteignait autrefois que le peuple, a été unifié. Tout le monde aujourd’hui, fonctionnaires, princes et mandarins, est soumis à une taxe, une capitation, de deux piastres par an, soit environ de 5 francs à 5 fr. 50.

  1. On sait que les Chinois donnent le même nom à leurs mandarins : fou-mou.