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même ne soit compris dans la maison de César. » Mais le peuple, qui ne payait pas, était saisi d’admiration devant ces folies. Aussi les empereurs Flaviens, pour dérouter les souvenirs, prirent-ils la résolution de dénaturer ces immenses bâtisses et de donner à tout le quartier entre le Cælius, l’Esquilin et la Vélia un aspect nouveau. Le colosse fut décapité, et l’on remplaça la tête du prince par celle du Soleil. Où s’élevait le palais impérial, Titus bâtit ses thermes, dont il reste de si beaux débris ; et le Colisée occupa la place du grand étang. On pensait que la magnificence des nouvelles constructions ferait oublier les anciennes, et voilà pourquoi on voulut donner aux fêtes, qui en célébraient l’inauguration, un éclat extraordinaire.

À ces spectacles, on était venu de toutes les parties du monde. « On y voyait l’habitant de l’Hæmus, l’Arabe, le Sabéen, le Sarmate qui se désaltère avec le sang de son cheval, et ceux qui boivent l’eau du Nil à sa source, le Sicambre à la chevelure bouclée, l’Éthiopien aux cheveux crépus, et l’on y entendait résonner toutes les langues. » Martial, comme on le pense bien, ne manquait pas d’y assister, et la représentation finie, ou même pendant qu’elle durait encore, il célébrait ce qu’il venait de voir en quelques courts poèmes qu’il communiquait à ses amis. Est-ce lui, qui, après que la fête fut terminée, eut l’idée de les réunir ou reçut-il l’ordre de le faire ? nous ne le savons pas ; toujours est-il qu’en le faisant il servait la politique impériale. Il explique très clairement ce qu’elle avait voulu faire quand il dit : « Rome est enfin rendue à elle-même. Grâce à toi, César, tout un peuple jouit de ce qui ne servait qu’aux plaisirs d’un seul homme. » Il était surtout important que la mémoire de ces fêtes fût conservée et qu’on en transmît l’impression à ceux qui n’avaient pas pu les voir. C’est ce qu’a fait Martial et c’est lui aussi qui nous les rend encore vivantes aujourd’hui. Il faut lire son petit livre, malheureusement incomplet et mal ordonné[1], pour en avoir quelque idée. Comme elles durèrent cette fois cent jours de suite, et qu’il fallait tenir pendant si longtemps la curiosité publique éveillée, on était forcé de varier les spectacles.

  1. Le Liber de spectaculis nous est parvenu très mutilé. Quand on le compare au récit que nous fait Dion Cassius de l’inauguration du Colisée, on ne doute pas qu’il n’ait été composé à cette occasion ; mais il est possible que Martial en ait donné d’autres éditions où il ait introduit quelques récits de jeux donnés plus tard par Domitien. Voyez ce que dit Friedländer à ce propos.