Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des formes diverses qu’il revêt dans nos colonies ou les pays soumis à notre protectorat, combien le mal est vivace et profondément enraciné. Voilà, en effet, plus d’un siècle que la France a entrepris de le combattre ; tous les gouvernemens qui se sont succédé chez nous et l’élite de nos hommes d’État et publicistes se sont efforcés à l’envi de le supprimer et ils ne sont parvenus qu’à l’enrayer.


I. — EFFORTS TENTÉS POUR L’ABOLITION DE L’ESCLAVAGE


C’est à la France républicaine que revient l’honneur d’avoir fait (Mitendrc, la première, l’appel des esclaves à la liberté, et, après un intervalle de cinquante-quatre ans, d’avoir réalisé leur émancipation. En effet, la Convention avait aboli l’esclavage des nègres dans toutes les colonies et décrété que les hommes, sans distinction de couleur, qui y étaient domiciliés étaient citoyens français (1). Mais, c’est seulement le 4 mars 1848, que le gouvernement provisoire, sur la proposition de F. Arago, considérant « que nulle terre française ne peut porter d’esclaves » institua la commission, présidée par Victor Schœlcher, qui prit les mesures pour assurer l’abolition effective de l’esclavage. On va voir que de résistances, que de préjugés, que d’intérêts coalisés, il fallut vaincre dans l’intervalle !

Voici d’abord le premier consul Bonaparte qui, désireux de rallier à son pouvoir les planteurs et sans doute sous l’influence des Beauharnais, imbus des préjugés des créoles contre les noirs, révoque le décret libérateur de la Convention et rétablit l’esclavage dans toutes les colonies restituées à la France par le traité d’Amiens et dans les autres (30 floréal an X). Il ne rougit même pas d’autoriser la traite des noirs et leur importation dans nos colonies, suivant les lois antérieures à 1789. Cette mesure, publiée à Saint-Domingue à l’époque d’une situation déjà troublée, fournit à Toussaint Louverture une arme redoutable pour soulever la population noire, très nombreuse, contre tout ce qui était français et, après avoir fait couler des flots de sang, le résultat en fut de nous faire perdre la possession de cette perle de nos Antilles. Il est vrai qu’aux Cent-Jours, Napoléon, mieux avisé, abolit la traite des noirs. Mais, il était trop tard. Par sa réaction