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phase nouvelle : accablés sous le nombre, les Boers ont abandonné sans résistance sérieuse Johannesburg et Pretoria. L’héroïsme qu’ils ont déployé jusqu’ici nous est un sûr garant que, s’ils ont pris ce parti, c’est qu’ils ont jugé que c’était le meilleur pour eux en vue de la suite des opérations. Il y a eu, néanmoins, une certaine surprise en Europe lorsqu’on a vu qu’après avoir eu à vaincre tant de difficultés au commencement de la guerre, les Anglais en avaient trouvé si peu sous les murs même de la capitale de la République, d’autant plus que cette capitale est fortifiée.

On croyait généralement qu’elle serait défendue, et que le siège en serait long et très difficile. Il n’en a rien été. Cela ne veut pas dire que la guerre soit terminée, mais elle a changé de caractère : il ne faut plus s’attendre à ce qu’elle présente une résistance aussi régulière qu’elle l’a fait jusqu’ici. Au surplus, pour être moins régulière, cette résistance n’en sera peut-être pas moins vive. Les Boers sont trop peu nombreux en face d’agresseurs qui ont réuni toutes leurs forces. Eux-mêmes ont été diminués par le feu de l’ennemi, par les fatigues, par les maladies, par les accidens de la guerre qui en ont fait tomber beaucoup entre les mains anglaises. Dans les conditions de la guerre moderne, le courage et l’abnégation ne suffisent pas pour assurer la victoire, bien qu’ils en restent toujours, et on l’a bien vu, un des principaux garans. Mais les Anglais non plus ne manquent ni de l’un ni de l’autre, et ils ont en plus le nombre, sans parler de la supériorité dont ils ont fait preuve dans la conduite des opérations depuis que lord Roberts en est chargé. Ce qu’on peut appeler la grande guerre est donc terminé ; mais la petite guerre, la guerre de partisans, peut durer encore longtemps et coûter extrêmement cher aux Anglais. Il s’en faut de beaucoup, d’après les dernières nouvelles, que la pacification ait fait les progrès que, d’après d’autres plus anciennes de quelques jours à peine, on pouvait croire réalisés. Ainsi, le général Roberts s’était regardé et s’était donné comme maître de l’État libre d’Orange : il avait même cru pouvoir en proclamer l’annexion par un simple trait de plume. Aussitôt le soulèvement y a recommencé, et on a vu des bandes très aguerries se reformer sur plusieurs points du territoire. C’est à ce genre de difficultés que les Anglais doivent désormais s’attendre, difficultés de longue haleine, dont ils viendront sans doute à bout à force de ténacité et de patience, par des opérations qui seront sans gloire quoiqu’elles ne soient pas sans péril. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Ce qui se passe dans l’État libre devrait servir de leçon au gouver-