Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/878

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux chiffres le même langage. En effet, d’une région à l’autre, le pouvoir d’achat de l’argent et le coût de la vie, sans parier des autres contingences accessoires, diffèrent plus ou moins fortement, et il faut tenir compte de ces écarts, si l’on veut ramener le taux apparent de la main-d’œuvre à sa valeur réelle. Dans ces conditions, un fort salaire ne sera pas nécessairement un salaire supérieur à un salaire plus faible payé autre part ou à une époque antérieure.

Les difficultés que nous signalons se font moins vivement sentir lorsque l’on étudie les fluctuations des salaires dans un seul pays, placé sous un unique régime économique. Sous ce rapport, le tableau que l’on va lire et qui émane d’un Américain bien connu, présente une netteté d’information particulière. Mr Carroll D. Wright établit comme suit le mouvement des salaires aux Etats-Unis, en prenant pour base les prix payés en 1860.


Salaires payés dans quelques professions.


Agriculture, pour 100, en 1860, — en 1890 : 139
Gaz d’éclairage — — — 167
Construction — — — 172,7
Épicerie. — — — 194,7
Nouveautés.— — — 224

Les salaires agricoles ont subi, on le voit, une hausse sensible, mais c’est pourtant la plus faible de la série.

En ce qui regarde l’Europe, où se présentent, dans les conditions d’existence les plus variées, les tarifs de salaires les plus disparates, on est arrivé pourtant à cette détermination globale que le prix de la main-d’œuvre s’est élevé de 66 p. 100 environ au cours de ce dernier demi-siècle. Il est permis d’affirmer que dans cet ensemble l’industrie agricole a subi le mouvement général, tout en se laissant sensiblement distancer, car il est certaines régions, en Allemagne et en Italie, par exemple, où le personnel des champs est encore très mal payé.

Il n’y avait pas de raison pour que, dans le mouvement ascensionnel des salaires, le travail agricole demeurât sans changement. Il est aussi pénible que tout autre travail. A la masse des ouvriers d’occasion qu’il emploie, il ne peut offrir d’activité régulière s’étendant au delà de quelques mois. A part, en effet, les grands coups de feu qui se produisent dans nos pays du