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saurait s’effacer, c’est la perception triomphante que j’ai eue du génie de Wagner. » — Wagner a déclaré que, dans les Maîtres Chanteurs, il a voulu donner à l’âme allemande une image d’elle-même ; aussi Stein s’y était-il reconnu. Et on sait ce que valent, pour un esprit délicat, les impressions de jeunesse.

Dès que Stein eut mis les pieds à la Faculté de théologie, il cessa d’être théologien ; on ne s’en étonnera guère, si l’on veut se souvenir du passage de son Journal que j’ai cité plus haut. Il ne trouva pas, dans les chaires académiques, ce « nouveau Luther » qu’il avait rêvé ; la dogmatique universitaire tendait plutôt, en ce moment, à réagir contre le libéralisme issu de l’école de Neander, qui ne conduisait que trop souvent à l’apostasie des Strauss. Le jeune étudiant fut frappé, aussi, de l’état instable et incohérent de l’enseignement. Il le remarque dans son Journal : chaque professeur a son point de vue, qu’il expose sans souci de ce que peut être celui des autres : aucune unité de conviction, ni de doctrine. Et pendant qu’il sentait son intérêt pour la théologie se déliter à ce contact dissolvant, — car seule, l’histoire des églises l’attirait encore, — Stein avait trouvé, à Heidelberg, un éloquent historien de la philosophie, M. Kuno Fischer, dont il suivait les cours avec un enthousiasme croissant. Aussi voyons-nous le jeune théologien sans cesse plus attiré vers la philosophie : un vrai conflit se livre en lui, entre la foi ancienne et les tendances nouvelles. Nulle part son Journal n’est aussi abondant qu’à ce moment ; les années 1874 et 1875, à elles seules, remplissent dix cahiers. Et l’intérêt de ces pages ne se dément pas un instant ; mais c’est pas à pas qu’il faudrait suivre le drame intérieur qui s’y trouve raconté ; vouloir le résumer, ce serait le dénaturer. Du reste, il faut bien le dire, dès la première page l’issue du conflit est facile à prévoir, car Stein est né philosophe ; c’est là sa nature et sa vocation ; sa poésie elle-même est la poésie d’un penseur, et ce n’est, en quelque sorte, que par ricochet qu’avec les années il est devenu de plus en plus artiste. En renonçant à la théologie pour se vouer à la philosophie, il accomplissait un acte nécessaire ; et d’ailleurs, s’il se voyait forcé de sortir de l’orthodoxie, il restait religieux.

Au commencement de 1875, il est bien contraint de reconnaître que la théologie ne lui tient plus à cœur ; mais en annonçant à un de ses professeurs son intention bien arrêtée de ne pas poursuivre ses études dans cette Faculté, il ajoute : « Ce