Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 159.djvu/824

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La recommandation de pratiquer la neutralité religieuse la plus stricte figure, en termes formels et répétés dans toutes les instructions générales données, soit à M. Laroche, soit au général Gallieni, par M. Guieysse ou par son successeur[1]. Mais l’aspect politique de la question, principalement au point de vue scolaire, est plus particulièrement indiqué dans le passage d’une dépêche du 8 juillet 1896 au résident général :

« La question des écoles, en dehors de celle des missions proprement dites, doit appeler très particulièrement aussi votre attention. Je n’ignore pas que les missions étrangères, anglaises et norvégiennes, ont fait connaître à mon prédécesseur, en lui envoyant une délégation de pasteurs qui lui a été présentée par un membre du Parlement anglais, qu’elles allaient organiser dans leurs nombreuses écoles des cours de français ; je sais également que ces cours élémentaires sont d’ores et déjà ouverts sur différens points de l’île, et que les maîtres qui en sont chargés s’apprêtent à rivaliser avec les jésuites et les Frères des écoles chrétiennes ; mais nous ne pouvons pas nous contenter désormais d’encourager l’étude de la langue française pour les jeunes indigènes qui fréquentent les cours. Nous avons à tenir la main à ce que l’ensemble des programmes d’enseignement soit remanié de manière à se rapprocher autant que possible de ceux de nos écoles similaires. Nous avons enfin à exercer notre action sur les maîtres qui dirigent les diverses écoles et qui, en majeure partie, sont des indigènes. Pour que cette action se fasse bien sentir, nous devons surveiller de près les écoles normales qui fonctionnent à Tananarive notamment et d’où sortent les éducateurs des populations diverses de la grande île jusqu’au moment où il nous sera possible d’en assumer nous-mêmes la direction. Il faut, en un mot, que ces maîtres d’école de tous degrés se conforment à un programme qui émane de nous et qui soit compris de manière à développer dans l’esprit des professeurs, et par suite des élèves, le culte de la France. »

Ce n’étaient là que des indications, assez précises il est vrai,

  1. M. Laroche a été accusé d’avoir témoigné une prédilection excessive aux protestans. L’accusation n’est pas fondée : on lui a fait à cet égard un procès de tendance. Encore ses opinions personnelles étaient-elles fort larges. Avant de quitter la France, il avait convié les Trappistes de Staouéli, près Alger, à venir fonder à Madagascar un de leurs célèbres établissemens agricoles. Le ministre qui l’avait nommé lui reprocha aussitôt (janvier 1896) « que la première preuve donnée de son désir d’amener des colons à Madagascar se fût adressée à des religieux, quelques habiles qu’ils pussent être. »