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elle devait construire cette route à ses frais, et se réservait la faculté de la transformer le cas échéant en voie ferrée ; en rémunération de ses capitaux, elle demandait à être autorisée à percevoir des péages suivant un tarif annexé au contrat et réclamait de plus 20 000 hectares de terres. Une convention fut passée avec elle le 7 janvier 1897, approuvée par le comité technique des travaux publics et par la commission permanente du conseil supérieur des colonies, où siégeaient les représentans des principales chambres de commerce métropolitaines ; elle fut déposée le 12 à la Chambre, rapportée le 16 avec entière adhésion de la commission par M. Descubes. Mais jamais le gouvernement ne put réussir à en obtenir la discussion : les uns lui reprochaient, sous des prétextes variés, de rompre avec les traditions financières, d’autres de livrer Madagascar aux grands capitalistes. Bref, tous les adversaires avoués ou déguisés du projet manœuvrèrent de façon qu’il ne vit pas le jour.

Cette première tentative n’était point de nature à faciliter le succès des négociations engagées pour le projet principal, qui fut cependant déposé à la Chambre le 11 mars 1897. Ce dernier présentait, d’ailleurs, l’inconvénient de n’être qu’une simple option qui, si elle n’était point levée par les contractans dans le délai prévu, laisserait l’État aussi démuni qu’auparavant en fait de moyens de transport. Le devoir du ministre était de presser les contractans de transformer cette option en prise ferme, et pour les y amener, de leur fournir les tracés et devis détaillés de la ligne, lesquels n’avaient pas encore été dressés ; si, par la suite, ils venaient à renoncer à l’entreprise, ces études pourraient servir du moins ou à la concession faite à d’autres, ou à la construction directe.

Ce fut l’objet de la mission donnée, pour la saison sèche de 1897, la seule saison où l’on puisse aisément circuler et travailler à Madagascar, à M. le commandant Roques, de l’arme du génie[1], Le commandant Roques rapporta à la fin de l’année

  1. Il n’y a pas à faire, l’éloge de cet officier supérieur, très connu de tous les techniciens. Mais il est intéressant de reproduire ici un passage d’une lettre personnelle du général Gallieni, montrant l’avantage qu’il y a à prendre un militaire plutôt qu’un civil pour une telle besogne, quand ce militaire possède la valeur intellectuelle désirable : « Il nous faut, écrivait-il en juillet 1897, un homme sérieux, à l’esprit large, apte à se servir de toutes les ressources locales et surtout ne devant pas se laisser décourager par les énormes difficultés que nous rencontrons tous ici et qui effrayent tous les nouveaux arrivés... Il faut un homme solidement trempé au physique comme au moral... Le génie a des défauts, mais il est militaire : il tombe malade et meurt sans se plaindre... L’armée seule peut, à l’origine, entreprendre des travaux, parce qu’elle ne compte pas ses morts. »