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loin. L’emploi des hautes températures a permis de leur restituer ce caractère de constance et de généralité qui est à la fois une conséquence et une preuve de la simplicité des lois de la nature. Tel est le phénomène de la réduction des oxydes métalliques par le charbon. En règle générale, lorsque ces deux espèces de corps sont chauffés ensemble, le charbon se combine à l’oxygène et le métal est isolé. Pour beaucoup d’oxydes, cette réduction était difficile à obtenir dans les fourneaux ordinaires à soufflerie : dans le four électrique, elle est facile et rapide. Pour d’autres oxydes, elle n’avait jamais été réalisée ; par exemple, pour l’alumine, la silice et les oxydes des terres alcalines. L’emploi du four électrique a permis de les faire rentrer dans la loi commune.

Une première conséquence de ces faits a été de mettre les chimistes en possession d’un moyen précieux d’obtenir les métaux que l’on préparait jusqu’alors par d’autres procédés plus compliqués, moins faciles, et se prêtant moins à la purification. C’est le cas pour le manganèse, le chrome, le tungstène et le molybdène. Il est vrai que, dans cette opération de la réduction, le charbon en excès forme avec ces métaux une espèce de fonte qu’il faut ensuite affiner, c’est-à-dire débarrasser du carbone combiné au métal. Mais cette opération est facile. La haute température du four amène en effet ces métaux réduits à l’état liquide, et c’est une forme sous laquelle il devient facile de les préserver de l’action de l’oxygène et de l’azote de l’air, et de les débarrasser du carbone. On les obtient ainsi à un grand état de pureté. On peut donc mieux connaître leurs propriétés véritables, ordinairement masquées par les matières étrangères qui s’y allient. Par exemple, on constate qu’à l’état de pureté ces métaux, le molybdène en particulier, ne présentent pas la dureté qu’on leur attribuait : ils ne rayent point le verre ; ils peuvent être travaillés à la lime.

Il est vraisemblable que ces recherches, comme l’espère M. Moissan, se prêteront à de nombreuses applications industrielles et qu’elles seront utilisées en métallurgie. Les métaux retirés du four électrique ne sont pas, en effet, à l’état d’échantillons de laboratoire, en petites masses peu abondantes, comme c’est le cas dans la plupart des traitemens chimiques. C’est par kilogrammes que l’on chiffre le produit de chaque opération. Enfin, il pourra arriver que ces métaux rares ou réfractaires, en se combinant aux métaux usuels, fournissent des alliages intéressans et présentant des qualités utilisables. Rien, alors, ne sera plus aisé que de constituer ces alliages. On tirera parti d’une propriété que M. Moissan a aperçue et sur laquelle il a convenablement insisté ; c’est à savoir, leur facilité remarquable à se combiner à l’alu-