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150 voix. Mais elle pourrait changer du jour au lendemain, sous la magie d’une parole enflammée et pour peu que la représentation irlandaise reprît l’unité de direction et de vues qu’elle a perdue avec Parnell. Les Anglais eux-mêmes se rendent compte que l’adoption du home-rule n’est plus qu’une affaire de temps. On en peut voir une preuve dans la concession qu’ils viennent de faire à l’Irlande (1899) de conseils de comtés élus, comme ceux qui fonctionnaient déjà dans la principauté de Galles, et qui tendent à substituer le gouvernement du peuple au landlordisme. Cette concession a été on ne peut mieux accueillie des Irlandais. Aussi bien la partie saine de la nation commence-t-elle à comprendre que les intérêts du pays peuvent être servis autrement et plus utilement que par la violence. Les complots de Tynan et de Kearney, les troubles qui ont éclaté l’année dernière à Belfast, sont des accidens de plus en plus rares dans la vie publique de l’Irlande. En retour, les sociétés comme la Ligue gaélique, la Society for the préservation of the Irish language, la Celtic Litteray Society, etc.[1], qui, sous couleur purement littéraire et quelques-unes avec le visa officiel, poursuivent une œuvre de restauration qu’on peut justement appeler nationale, prennent dans l’opinion une importance grandissante. C’est à ces sociétés qu’est dû le rétablissement de la langue gaélique dans l’enseignement. Jusqu’à ces derniers temps, l’usage du gaélique était sévèrement proscrit dans les National Schools, « en sorte que les enfans qui ne savaient pas un mot d’anglais ne recevaient l’instruction qu’en anglais et, par conséquent, restaient fort longtemps hors d’état de tirer aucun profit des leçons du maître. » Un premier pas fut fait en 1875 par l’autorisation donnée aux instituteurs de se servir du gaélique dans leurs explications orales. Mais la grande réforme date de 1878, où le gaélique devint une des facultés tîur lesquelles pouvait porter l’examen, qui, en Irlande, correspond à notre examen de fin d’études. Un certificat d’aptitude à l’enseignement du gaélique fut en même temps établi pour les maîtres, mais ce certificat n’était point obligatoire ; la connaissance de la grammaire n’était point exigée des candidats, et il

  1. Nous ne parlons pas ici de l’Académie d’Irlande, dont le rôle s’est maintenu toujours dans une sphère plus élevée et pour ainsi dire en dohors du temps. Mais on ne saurait oublier chez les érudits que c’est à elle qu’est due la publication (après les beaux travaux d’O’Curry) des principales épopées irlandaises publiées en partie sous la savante direction de M. R. Alkinson.