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économiquement et administrativement le travail mental, comme il organiserait le travail manuel, tarirait les sources de toute invention et de tout progrès social, y compris le progrès économique.


IV

Outre l’invention, outre la conception des entreprises, l’exécution réclame des directeurs, et ceux-ci ont également besoin de liberté. La pensée directrice est du travail constant et omniprésent. Diriger est œuvre d’intelligence et de volonté. L’intelligence appliquée à la direction est un talent en partie naturel, en partie acquis, et qui ne s’acquiert que lentement. La volonté qui sait commander est souvent, elle aussi, naturelle, parfois héréditaire en certaines familles, qui ont des dons d’autorité, de fermeté et de flexibilité tout ensemble. Dans la direction, les travailleurs manuels sont trop souvent incapables. Il ne suffit pas de s’associer pour réussir ; il faut avoir à sa tête un chef ou des chefs qui sachent conduire, qui établissent et maintiennent une discipline. Témoin le grand nombre de coopératives qui ont péri faute d’une sage direction et malgré la bonne volonté des divers membres. Dans les coopératives, la « plus-value » revient toute aux associés ; ils devraient rouler sur l’or ! Pourquoi n’en est-il pas ainsi ? C’est que l’intelligence et le travail cérébral, sous toutes ses formes, ont un rôle décisif dans la formation, la direction et le succès des entreprises ou des associations : le progrès de la civilisation rend toutes les entreprises et toutes les actions en commun de plus en plus complexes, par conséquent, de plus en plus dépendantes de l’intelligence et de la science. Ce ne sont pas, les bras qui peuvent résoudre des équations aussi compliquées. De même quand il s’agit de l’échange et de la libre distribution des produits. Marx s’indigne contre les commerçans, ces nouveaux frelons qui profilent du travail d’autrui sans travailler eux-mêmes. Ils achètent des produits, puis les revendent plus cher qu’ils ne les ont achetés, et ce « double échange, » à lui seul, engendre une « plus-value » que le commerçant empoche. Ainsi raisonne Marx. Il semble que l’humanité, depuis les origines de la civilisation, ait été assez naïve pour enrichir les commerçans par la seule vertu d’un » double échange » et sans leur demander en plus aucun service réel. Pourtant, prévoir et calculer les