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caractéristiques, mais aussi moins tourmentés et plus humains que ceux de la Sixtine, ils remplissent admirablement leur emploi, qui est de reposer le regard. On reconnaît l’influence que les marbres antiques exercèrent sur le génie d’Annibal, dans le mâle dessin des corps, dans l’élégance et la fermeté des lignes ; mais l’expression idéale des têtes révèle que le peintre n’était pas insensible au genre de beauté complaisamment décrit dans les poésies pastorales du temps ; quelques-uns de ces jeunes hommes pourraient soutenir avantageusement la comparaison avec les bergers du Pastor Fido.

Les enfans, groupés par deux aux quatre angles de la voûte, représentent l’Amour profane et l’Amour céleste. Le plafond proprement dit comprend un certain nombre de tableaux encadrés, de formes et de dimensions variées. La fameuse Bacchanale est au centre. Elle figure la marche triomphale de Bacchus et d’Ariane. C’est une dramatique histoire que celle de la fille de Minos et de Pasiphaé. Elle s’était éprise de Thésée, et ce fut elle qui lui procura le fil conducteur à l’aide duquel il put sortir du labyrinthe. Reconnaissance ou amour, Thésée l’enleva, mais peu après, il s’éprenait de Phèdre, propre sœur d’Ariane, et abandonnait sans pitié sa bienfaitrice dans l’île de Naxos. Lasse de pleurer, la malheureuse avait fini par s’endormir, lorsque Bacchus la vit et conçut pour elle une passion violente. Il suffit aux dieux de se montrer pour faire oublier les héros, surtout les héros ingrats. Quoique la beauté de Bacchus affectât une langueur tout asiatique, ses yeux laissaient échapper une flamme dévorante et subtile qui effaça en un moment toutes les autres images dans le cœur de la fille de Minos. Elle oublia Thésée, Phèdre et leurs coupables amours ; elle ne vit plus que Bacchus et l’épousa.

En peignant la marche triomphale des deux amans, Annibal est resté fidèle à la tradition antique. Il avait d’abord introduit dans le cortège un éléphant sur lequel Bacchus était monté : Ariane suivait son consolateur dans un char traîné par des tigres[1]. Le peintre abandonna cette première idée. Plusieurs études, conservées à l’Albertine de Vienne et au Louvre, marquent les étapes par lesquelles il passa avant de formuler la décision contenue dans le magnifique dessin à la sanguine qui a servi à la confection du carton final.

  1. Voir un curieux dessin conservé dans les cartons du Louvre, sous le n° 7-184.