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Les corporations se sont reconstituées facilement dans les provinces catholiques, le Tyrol, le Voralberg, la Moravie, la Haute Autriche, où l’ancienne organisation avait survécu à la loi de 1859. Il n’en a pas été de même dans les centres ouvriers allemands travaillés par le socialisme. Les compagnons ont voulu profiter du droit d’association pour s’organiser, tenir tête aux patrons et discuter contradictoirement avec eux les questions de salaire, de durée des heures de travail, d’apprentissage et de placement. Les patrons ont résisté et ont réclamé l’appui de l’administration, qui, toute pénétrée des idées libérales allemandes a interprété la loi dans le sens le plus restrictif. C’est une des principales causes du retard signalé dans la réorganisation. La crise politique que traverse aujourd’hui l’Empire, et qui a été si bien exposée ici même par M. Charles Benoist, explique suffisamment l’arrêt que subit en ce moment le mouvement corporatif en Autriche et ne permet pas de juger quels effets d’apaisement il a pu produire. Mais, au point de vue spécial qui nous occupe, il est d’autant plus intéressant à étudier, car il prouve qu’en pareille matière, les initiatives individuelles ne suffisent pas, que les courans populaires, lors même qu’ils se produisent dans le sens de la tradition, risquent de dévier et de ne pas aboutir, sans le secours d’un pouvoir fort et assez centralisé pour coordonner dans une œuvre commune les groupemens professionnels, dont l’horizon est souvent assez borné et qui ont une tendance excessive au particularisme et aux rivalités de classe et de métier.


VI

En Belgique, le mouvement corporatif s’est manifesté également par la création de puissans syndicats de patrons et d’ouvriers, et la législation, très libérale, n’a pas fait obstacle à leur création. Mais le socialisme, puissant et très bien dirigé, a dérivé le courant par la création de maisons du peuple et de grandes sociétés coopératives de production, dont le Vooruit de Gand est le type le plus célèbre. Le parti catholique s’est efforcé de détourner le mouvement dans le sens corporatif par la création de chambres du travail et par une série de lois ouvrières, sur lesquelles nous n’avons pas à insister[1]. Il ne semble pas

  1. Voyez l’article de M. Charles Benoist dans la Revue du 15 janvier 1899.