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ouvriers des deux sexes qui travaillent à confectionner les bas. Nous avons d’abord ceux qui travaillent au métier hollandais. Dès que l’invention nouvelle a été transplantée à Ganges, tous les jeunes débutans se sont dépêchés d’apprendre le maniement du nouvel appareil, qui ne nécessite qu’une étude d’une année environ. Pour les vieux routiers, le faire marcher n’a été qu’un jeu. Le salaire est toujours réglé à forfait à tant la douzaine. Un homme adroit, en travaillant dix heures par jour et confectionnant quatre à cinq paires de bas, peut gagner 4 fr. 50 à 6 francs, ce qui est fort convenable pour une petite ville où la vie est à bon marché. Effectivement, Ganges, placée à la base même des Cévennes, participe à la fois des avantages des pays de plaine et des régions montagneuses : le vin y abonde, la viande y est d’excellente qualité, et encore, ces denrées coûtent-elles moins à Ganges que dans les terroirs de Nîmes ou de Montpellier. Grâce à l’eau de l’Hérault, la culture maraîchère et fruitière a pu se développer. Les ouvriers gros, bruns, moustachus, qui travaillent aux bas, dans les ateliers que nous avons visités, ne prêchent pas misère. Et encore les salaires ont-ils quelque peu baissé par suite de la concurrence.

La conduite du métier mécanique ne saurait être confiée à une femme, il l’obligerait à pratiquer une besogne au-dessus de ses forces (l’opérateur est presque toujours debout) ; mais le métier français, parce qu’il fonctionne bien moins vite, convient aux deux sexes. Naguère mis au rebut, il reprend faveur aujourd’hui, et plus d’une de ces antiques machines, nous a-t-on dit, oubliée au grenier, s’est vue remettre à neuf, réparation qui coûte bien de 500 à 600 francs, et travaille pour nos contemporaines, après avoir rendu le même service aux « merveilleuses » du Directoire. Le métier mécanique, ne l’oublions pas, fait d’excellent ouvrage si l’on se borne aux jauges 26 ou 28, mais, à partir du numéro 30, le métier français permet seul le tissage des articles fins, d’autant plus longs et plus délicats eux-mêmes à créer que leur ténuité augmente. Aussi le travailleur qui dans sa journée confectionne une paire numéro 40, reçoit-il pour sa peine 7 francs. Comme il faut ajouter au passif du. fabricant le prix de la confection des pointes et les dépenses indispensables pour rassembler, coudre, etc., on arrive à un total qui dépasse, et de beaucoup, la valeur de la matière première de la soie brute qui est de 2 francs seulement dans ce cas particulier d’un bas très fin, et ne dépasse guère 2 fr. 50 pour les articles plus communs.