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de faire enregistrer le nom de leurs candidats. Il va sans dire que cette combinaison implique le vote public. En 1844, un publiciste américain, Thomas Gilpin, essaya de la concilier avec le vote secret ; il s’agissait d’organiser l’élection en partie double, chaque électeur indiquant à la fois sur son bulletin le parti pour lequel il entendait voter et le candidat de ce parti qui avait ses préférences. Le procédé du « double vote simultané » était trouvé. Cependant, les temps n’étaient pas mûrs pour cette reconnaissance officielle du rôle des partis. On préféra poursuivre la solution dans des systèmes qui laissaient les candidats directement en face des électeurs.

Condorcet avait proposé à la Convention d’appliquer à l’élection des bureaux, dans les assemblées primaires, une disposition limitant à deux les noms que chaque votant pourrait inscrire sur son bulletin, quel que fût le nombre des membres à élire. L’idée fut reprise par lord Grey, à la Chambre des lords, en 1846, dans la discussion du bill relatif à l’élection des municipalités irlandaises. Enfin, en 1867, le Parlement introduisit le vote limité dans douze circonscriptions, qui nommaient chacune trois députés, ainsi que dans la cité de Londres, qui en élisait quatre. Le procédé est excellent pour assurer des mandataires à une minorité ; il est presque impraticable quand il s’agit de satisfaire plusieurs groupes. Même quand il n’y a que deux partis en présence, les électeurs de la majorité, en distribuant habilement leurs votes entre plusieurs candidats, peuvent quelquefois frustrer la minorité de la part qui lui revient ; d’un autre côté, s’ils s’exagèrent leur force réelle et éparpillent leurs suffrages, ils peuvent être privés de toute représentation. L’Angleterre a renoncé à ce système en 1885, après l’avoir pratiqué pendant dix-sept ans. Il a eu le même sort au Brésil, qui l’a essayé de 1875 à 1881, et en Italie, où il a fonctionné de 1882 à 1891. On ne le rencontre plus actuellement dans des élections législatives qu’en Espagne, en Portugal et dans l’île de Malte. M. Paul Laffitte le recommandait récemment encore, comme le plus facile à appliquer en France, mais simplement parce qu’il désespérait d’obtenir une réforme s’éloignant davantage des habitudes acquises.

Le vote limité restreint les pouvoirs de l’électeur : le vote cumulatif les amplifie. Dans ce système, que M. James Garth Marshall passe pour avoir trouvé en 1853, chaque électeur possède autant de suffrages qu’il y a de sièges dans la circonscription ;