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nous-mêmes les dupes de la « politique des sphères d’influence,  » de nous cantonner dans une action provinciale et de négliger de faire sentir à Pékin l’influence que légitiment les services rendus et nos bonnes relations avec le gouvernement impérial. La Chine reste et doit rester ouverte au commerce international ; nous y avons des intérêts considérables dont nous devons prendre à cœur la sauvegarde et le développement ; des maisons françaises y ont obtenu des concessions de chemins de fer, de mines ; des ingénieurs français y dirigent des travaux, y organisent des exploitations, y reconstruisent l’arsenal de Fou-tchéou ; nous avons de gros capitaux engagés dans la ligne de Pékin à Han-kéou, exécutée par un syndicat franco-belge. Nos nationaux ont droit à des places dans l’administration des douanes, dans celle des postes quand elle sera définitivement organisée. Nous avons donc, en Chine, désintérêts généraux sur lesquels il est indispensable de veiller comme sur nos intérêts locaux dans le Sud. Il semble malheureusement que, depuis deux ans, nous ayons laissé échapper des occasions de manifester notre force à Pékin : lors de la fameuse révolution de palais de l’automne 1898, toutes les grandes puissances ont, avant nous, fait entrer dans la capitale des marins chargés de garder les légations ; sous les yeux des Orientaux, qui jugent tout par les apparences, un tel retard a été regrettable. Enfin, notre prestige a été imprudemment engagé dans l’affaire de Chang-hai.

Les difficultés actuelles à Chang-hai sont un épisode de l’histoire déjà longue de l’établissement des concessions européennes. En résumer les phases, ce serait les dénaturer : on peut les suivre, à défaut d’un Livre jaune, dans le Livre bleu de 1899.

Les Anglais depuis 1844, les Français depuis 1849, ont obtenu du gouvernement chinois des concessions de terrains à Chang-hai[1]. Le régime des deux concessions, identique à l’origine, fut modifié par le fait qu’en 1863, les Anglais s’entendirent avec les Américains, installés à côté d’eux depuis 1849, pour donner à leurs territoires une administration commune et pour y admettre les nationaux de toutes les « puissances à traité.  » Il existe donc, à côté d’une concession française indépendante et autonome, une concession anglo-américaine cosmopolite qu’administre une commission présidée par le doyen du corps consulaire, même

  1. Voyez l’étude de M. le capitaine de frégate Prosper Giquel : la Politique française en Chine depuis les traités de 1858 et de 1860 dans la Revue du 1er mai 1872.