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marchaient toujours très régulièrement ; d’où l’on augure que l’épithète de « fantasque » s’appliquait plutôt à leurs propriétaires. Mais tout cela est extrêmement rare.

La suspension, prononcée contre un jockey malhonnête, équivaut pour lui, quand elle se prolonge, à un éloignement définitif de la piste ; parce qu’après avoir ainsi cessé de monter il devient, comme le gymnaste, incapable d’exercer à nouveau son métier. Guetté par des commissaires vigilans, le jockey capable y regarde à deux fois avant de risquer cette éventualité. Il est néanmoins des perfidies d’autre sorte, qui se peuvent commettre dans le silence de l’écurie : le bookmaker imprudent, qui a donné trop tôt, pour des sommes importantes et à une grosse cote, un favori dont la victoire menace de le ruiner, sacrifiera volontiers une trentaine de mille francs pour mettre l’animal en état d’infériorité temporaire.

Si l’entraîneur refuse de se laisser corrompre, il s’adressera au jockey et, à défaut du jockey, au « garçon de voyage. » Une petite médecine, offerte par ce dernier, dans le tête-à-tête du wagon, au quadrupède qu’il a mission de conduire à Paris, serait chose sans conséquence ; enfin, si cela même est impossible, un palefrenier vénal, au lieu de faire boire à ce « crack » quelques gorgées seulement vers 6 heures du matin, attendra jusqu’à midi que sa soif grandisse, pour l’abreuver alors d’un plein seau d’eau, qui distendra ses intestins et le rendra plus mauvais de quinze livres. Coupable ignominie, sans doute, mais non point spéciale au sport ; et comment jeter la pierre à ce palefrenier qui, pour l’amour de 30 000 francs, donnerait ainsi quelques pots d’eau à un cheval, lorsqu’on raconte que, par des pots-de-vin de moindre importance, de grands personnages eux-mêmes ont été induits en tentation !


Vte G. D’AVENEL.