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institution. Il se retrouve encore à Baden-Baden, où le parcours, entrecoupé de champs en labour et parsemé de marais, rappelle l’aspect d’un pays de chasse, — hunting country ; — tandis qu’en France les rivières et les murettes artificielles, disposées sur une piste plate, sont surtout dangereuses par l’allure excessive avec laquelle la nature du sol permet de les aborder. En terrain naturel, le mérite de sauteur était la première et indispensable condition des chevaux : la vitesse venait en seconde ligne, car il était impossible de galoper un train non interrompu. Aujourd’hui tous les animaux entraînés peuvent, avec un peu d’exercice, prendre part à une « course de haies, » qu’ils passent presque sans les regarder.

Quant aux steeple-chases, le cheval n’ayant pas en lui-même, pour le saut, plus d’aptitude que l’homme, tous n’y réussissent pas également. Il y faut des dispositions particulières, et tel s’accommode, en obstacles, de longues distances et de gros poids qu’il ne porterait point en courses plates. Dans celles-ci, les chutes sont rares, mais plus graves aussi : monture et cavalier culbutent-ils en tête du peloton, les autres tombent à leur tour ou leur passent sur le corps ; tandis que la bête de steeple, tout en s’élançant pour franchir la rivière, s’attend davantage à chopper. Ce genre d’épreuves reste néanmoins plus périlleux que l’autre et, ce qui le prouve, c’est que la monte est plus chère ; les jockeys ont droit à près du double de ce qu’ils reçoivent en plat. Aussi ne leur doit-on rien quand ils « s’abîment ; » ce qui leur arrive fréquemment, à Paris comme dans les réunions de province. Quelques-uns ont fait connaissance avec un tiers des hôpitaux de France. Apporté sur un brancard et recommandé par l’entraîneur qui repart le soir même, le blessé reste seul, incapable de se faire comprendre, autrement qu’on anglais, d’un personnel chirurgical parfois fort sommaire. Il se rétablit cependant et recommence. L’un d’eux s’est cassé cinq fois la clavicule ; certains accidens invraisemblables tiennent du miracle : le jockey Andrews a eu sa tête déplacée dans un saut et replacée, au bout d’un an, par un autre obstacle.

Quand le cheval affronte l’hippodrome, il est dressé déjà, et non sans peine. Ces « essais » ne vont pas sans coûter la vie à quelques gamins, désarçonnés un matin trop rudement. On les enterre sans bruit. Pauvres lads de Chantilly ou d’Achères ! le public, pour lequel ils meurent, les ignore ; ils n’ont même pas