Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/764

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais il se heurtait et devait se heurter à d’inébranlables partis pris. Le fait est que les hommes de la révolution de septembre aspiraient à la monarchie. Les préventions des uns, les craintes des autres, les espérances des royalistes de la veille et les engagemens de certains royalistes du lendemain, enfin l’ambition de tous, ou de presque tous, formaient un faisceau de volontés très diverses, mais qui s’entendaient à merveille sur un point : l’aversion de la république.

Castelar y demeurait invinciblement attaché. Toutes ses croyances et en quelque sorte toutes les pentes de son esprit y concouraient. Il me disait un jour : « Je suis venu au monde avec un impérieux besoin d’indépendance dans l’exercice de ma raison. L’idée que je pourrais rencontrer des entraves à publier ce que je croyais être la vérité, cette idée-là m’était insupportable. J’étouffais dans l’atmosphère renfermée de notre monarchie. Et qui sait ? Si, au lieu de se dresser de toutes parts comme un obstacle au libre essor de la pensée, cette royauté m’eût offert dès l’abord les libertés indispensables, peut-être n’aurais-je pas déserté mes paisibles études pour me lancer dans les orages de la politique... » Quoi qu’il en soit, sa résolution était prise, et depuis longtemps ! On se rappelle l’influence exercée sur sa jeune âme enthousiaste par les républicains français de 1848. En vérité, sa foi, disons davantage, sa vocation datait de là. Et, ce qui est le signe des vocations, l’âge n’avait fait que la rendre plus impérieuse. Il en était venu à tenir pour irréconciliables ces deux principes que notre siècle s’est efforcé d’unir : démocratie et monarchie ; vaine entreprise, selon lui, née d’une conception fausse qui tend à combiner des élémens toujours réfractaires. Il estimait que la démocratie ne peut produire ses effets utiles avec une royauté, si près du peuple que cette royauté ait été naguère à son origine : l’esprit des cours, hostile aux nouveautés, perce toujours par quelque endroit.

Voilà comment, à peine rentré dans sa patrie, il s’empressait de rompre avec ses amis dissidens. Il reprenait sans eux, sinon contre eux, la propagande d’avant l’exil. Dès le 18 octobre, il publiait un manifeste où il affirmait que la solution nécessaire, c’était la république. Le branle était donné ; il relevait le drapeau, ralliait les partisans, exaltait les courages et, se jetant dans