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égales, ils ne doivent le prix qu’à leur seul mérite. Tantôt les gagnans des épreuves antérieures sont astreints à des surcharges, ou, s’il s’agit d’un « handicap, » les poids sont hiérarchisés de manière à annihiler les différences de valeur qui existent entre les rivaux.

Aux profanes, il semble assez extraordinaire qu’un ou deux kilos de plus ou de moins sur le des suffisent à équilibrer, ou même à intervertir, les chances de deux chevaux et qu’il n’y ait pas, entre le meilleur sujet et le moins bon, plus de 12 à 15 kilos d’écart. Une pareille délicatesse chez des animaux aussi nerveux, aussi énergiques, passerait pour invraisemblable si elle n’était journellement confirmée par l’expérience : c’est qu’un fardeau est plus ou moins sensible suivant la façon dont on le porte. Le débardeur soutient avec peine, à bras tendu, la cinquantième partie de ce qu’il porte aisément sur ses épaules ; par le galop de course, la masse du cheval est projetée sur ses membres antérieurs : à cette allure, le poids, au lieu d’être réparti, comme au pas ou au trot, sur tout le corps, se fait sentir presque exclusivement sur les jambes de devant, qui frappent d’autant plus fortement le sol. Il se multiplie, par le seul effort du coursier, selon le principe du levier qui centuple l’action du plateau dans une balance romaine.

C’est une tâche très épineuse que celle de régler, d’une manière souveraine, les charges respectives des chevaux engagés dans ce genre de courses. Le « handicaper » de la Société d’encouragement, auquel incombe cette mission pour la France tout entière, est toujours un sportsman consommé. Le baron de Bizy, titulaire de ce poste jusqu’à ces derniers mois, avait débuté à seize ans sur le turf, en montant à l’insu de sa famille, pendant les vacances, un cheval acheté avec ses économies. Il avait couru, « en plat » ou « en steeple, » pendant vingt ans, puis élevé et fait courir des poulains qu’il entraînait lui-même. Sur son bureau s’alignaient, en de longues boîtes, des fiches au nom de chaque cheval, méticuleusement tenues à jour, indiquant, pour toutes les courses où l’animal prenait part, la place qu’il avait obtenue et la façon dont il s’était comporté. Observation indispensable ; car, si l’on traduit en kilos l’écart de distance qui sépare deux chevaux à l’arrivée, si l’on peut estimer par exemple une « longueur » à 4 ou 5 livres, c’est à la condition que l’effort des deux bêtes ait été le même. Il faut distinguer les « longueurs faciles, »