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jeu de la guerre, déclarait Léon XIII, et préparer ainsi les voies pour une vie sociale plus calme, c’est une entreprise de nature à faire resplendir dans l’histoire de la civilisation celui qui a eu l’intelligence et le courage de s’en faire l’initiateur. Nous l’avons saluée, dès le principe, avec le zèle qui convient, en pareille circonstance, à celui qui détient la mission suprême de promouvoir et de répandre sur la terre les douces vertus de l’Evangile. Et nous ne cessons pas de faire des vœux, pour que l’effet réponde, abondant et général, à ses hautes intentions... La mission de l’Eglise est pacifique et pacificatrice par sa nature... Il suffit de rappeler combien de fois il est arrivé aux pasteurs romains de mettre un terme à des oppressions, d’empêcher des guerres, d’obtenir des trêves, des accords, des traités de paix... Malheur à la civilisation des peuples, si, à certaines heures critiques, l’autorité papale ne fût point accourue pour mettre un frein aux instincts inhumains de l’ambition et de la conquête, en revendiquant, de droit et de fait, la suprématie naturelle de la raison sur la force ! J’en atteste les noms, indissolublement associés, d’Alexandre III et de Legnano, de saint Pie V et de Lépante. »

Bien loin que le Pape manifestât aucune rancœur, même aucune amertume, il semblait plutôt que cette évocation de la journée de Legnano, — journée demeurée chère aux âmes italiennes, — fût comme un sourire de Léon XIII à la péninsule : on l’eût accusé d’être un prétendant, s’il avait ajouté quelque commentaire à ce sourire. Il ne faisait allusion à l’Italie que pour rappeler l’époque où elle secondait et applaudissait les succès pacificateurs d’Alexandre III ; et, grâce à cette fibre guelfe qui toujours vibre au delà des Alpes, on entrevit en Italie, comme dans le reste du monde, l’achèvement et la portée de la pensée de Léon XIII.

Un mois après, une réponse survint : elle était datée de Lipburg et signée de la reine Wilhelmine. La Reine mentionnait l’allocution papale du 11 avril ; et, rendant hommage à la « parole éloquente du Pape, » qui s’est « toujours prononcée avec tant d’autorité en faveur de la paix, » elle exprimait l’espoir qu’il verrait la conférence « d’un œil sympathique » et qu’il « voudrait bien donner à l’œuvre entreprise son précieux appui moral. » Le cabinet de La Haye, par une telle démarche, faisait ce qui lui semblait encore possible, politiquement, pour intéresser le Saint-Siège