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dernier, qu’il poursuivait avec le gouvernement de Saint-Pétersbourg une conversation qu’il avait lui-même engagée.


II

A la date du 15 septembre, le cardinal Rampolla répondit à M. Tcharykoff. « La noble initiative de Sa Majesté, écrivait-il, correspond à l’un des vœux les plus ardens du Souverain Pontife ; » et tout de suite il en donnait une preuve, destinée à être comprise à Saint-Pétersbourg, en rappelant l’entretien du Pape avec le prince Lobanoff : certains précédens ne sont-ils pas des présages ? La note se poursuivait, très longue et très pleine ; et le secrétaire d’État, à mesure qu’il pénétrait au fond même de la question, développait la pensée du Pape docteur ; cet écrit diplomatique atteignait l’ampleur et la portée d’un enseignement. « Le Pape retient, écrivait le cardinal, que la paix ne pourra point trouver son assiette si elle ne s’appuie sur le fondement du droit public chrétien, d’où résulte la concorde des princes entre eux et la concorde des peuples avec leurs princes. Pour que cessent les défiances et les motifs réciproques d’offensive et de défensive, qui ont amené les États, de nos jours, à développer leurs armemens, et pour qu’un esprit de paix, se répandant à travers les peuples de l’univers, les amène à se regarder entre eux comme des frères, il faut que la justice chrétienne ait pleine vigueur dans le monde, que les maximes de l’Evangile rentrent en honneur, et que l’art difficile de gouverner les peuples ait pour facteur principal cette crainte de Dieu qui est le commencement de la sagesse... On a voulu régler les rapports des nations par un droit nouveau, fondé sur l’intérêt utilitaire, sur la prédominance de la force, sur le succès des faits accomplis, sur d’autres théories qui sont la négation des principes éternels et immuables de justice : voilà l’erreur capitale qui a conduit l’Europe à un état désastreux. »

On devine quel effet durent produire ces lignes, survenant à Saint-Pétersbourg au milieu du flot des réponses politiques qu’envoyaient les divers gouvernemens. Il n’y avait là ni atermoiemens, ni précautions, ni revendications : c’était l’exposé d’un système et d’une doctrine. On ne parlait point là d’expédiens ou de palliatifs, mais d’une réforme du droit public international. On ne cherchait point là des combinaisons ; on ne s’évertuait point à faire le tour de la question ; l’on y entrait, et on la tranchait. Pour la