Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/521

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à même d’y mêler mes recherches personnelles, je m’intéressai à tout ce qui se faisait alors.

Il y avait, à côté des artistes dont je me suis occupé déjà, plusieurs peintres d’histoire et de genre aux tendances diverses, les uns inclinant vers le romantisme, les autres restés fidèles à la tradition classique, et dont le talent très réel demande une étude particulière que nous allons essayer. D’autres, de moindre importance, d’un caractère plus vague, plus fantaisiste, s’entremêlaient au-dessous des maîtres reconnus, comme ces parterres de fleurettes mélangées qui, dans les jardins, entourent de plus hauts massifs. Je dois dire que ces fleurettes n’étaient pas toutes de la plus grande fraîcheur, et que les tons rances y dominaient ; mais il y en avait de charmantes.

Vous connaissez tous les principaux artistes de ce temps : Robert Fleury, Ary Scheffer, Paul Delaroche, Hippolyte Flandrin, Léon Cogniet, Couder, Drolling, Brascassat, Larivière, Lehmann, Gigoux, Em. Signol, Aligny ; puis de nouveaux arrivés : Muller, Tassaert, Verdier, Th. Couture, Gleyre, Antigna, H. Baron, Duveau, Paul Flandrin, Glaize, Gendron, Roqueplan, et quelques jeunes qui avaient de vifs succès : Meissonier, les néo-grecs Gleyre, Hamon, et Gérôme, les animaliers Troyon et Rosa Bonheur, les paysagistes Daubigny, Marilhat. Mais le plus illustre des artistes d’alors, l’enfant gâté du grand public, celui dont le nom, propagé par les soldats rentrés dans leurs foyers, pénétrait jusque dans les villages, car il avait longtemps retenti dans le clapotement des plis des drapeaux d’Afrique, c’était Horace Vernet.

Par autorisation royale, ce peintre si choyé suivait les armées en costume de général ; double gloire ! plus qu’il n’en faut pour être l’idole de la foule. Puis, il peignait des victoires et il leur donnait ce côté trompe-l’œil et cette exactitude de mouvement et de détail qui charmait le public ignorant encore des reproductions photographiques d’aujourd’hui. Il avait l’esprit autoritaire et l’aspect brusque et bon enfant, le verbe familier qui plaisent au peuple et qu’il avait contracté dans la fréquentation des camps. S’il était petit, sa taille bien prise, son pas alerte, son torse droit relevant la tête un peu de côté, lui donnaient une assurance toute militaire. Il portait des pantalons larges aux cuisses, serrées à la cheville et ses redingotes affectaient la forme des tuniques. Son nez effilé, sa bouche perdue entre une énorme impériale et de très longues moustaches roussâtres, relevées en pointes, son