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Il l’a fait en détail, et au jour le jour, dans des milliers d’articles. Il enseignait aussi la doctrine dans sa synthèse. Il l’exposa pour la première fois en une brochure (un folleto, comme on dit là-bas), qu’il écrivit en 1859. Le but était « d’éveiller dans le peuple la conscience de son droit. » Le livre portait un titre significatif : La Formule du Progrès.

Castelar, dans son optimisme, croyait au progrès social. Il ne pouvait admettre une humanité éternellement stationnaire, tournant dans le même cercle d’erreurs et de souffrances. La croyance à la perfectibilité de notre raison, qui fut peut-être l’immense utopie du XVIIIe siècle, vous la retrouvez dans ce petit livre ; c’est la pensée inspiratrice qui frémit sous ces pages et les agite comme un souffle sacré. A chaque époque, disait-il, sa tâche et son idéal politique. Cet idéal s’incarne dans un parti ; et ce parti, durant un temps, a sa raison d’être ; il est la formule du progrès. L’absolutisme de la monarchie fut un progrès au sortir de l’anarchie féodale ; la royauté parlementaire, appuyée sur les classes moyennes, fut un progrès par rapport à la monarchie de droit divin. Mais, quand chaque système a produit ses effets utiles, c’est le tour d’un autre, qui le doit remplacer. — Est-ce à dire que Castelar contestât aux anciens partis le droit d’exister et de résister ? Il proclamait tout au contraire leur légitimité, leur nécessité. C’est une loi de notre esprit, ajoutait-il ; la diversité des opinions naît fatalement de la liberté. Résignons-nous à rencontrer perpétuellement des contradicteurs. Il y aura toujours des partis. Vous n’empêcherez pas qu’il y ait ceux qui veulent conserver le présent, ceux qui veulent faire revivre le passé, et ceux qui attendent tout de l’avenir. — Par là encore son idéal, fait de liberté, se séparait de l’exclusivisme jacobin.

Il se séparait en même temps des gouvernans d’alors, qui voulaient bien reconnaître certains partis, et déniaient à certains autres le droit de vivre. Ces gouvernans se rattachaient par des liens plus ou moins directs à un groupe d’hommes que Castelar flagelle, dans ce pamphlet, avec une verve sanglante ; je veux parler des néo-catholiques. Il les détestait. Il ne pouvait leur pardonner de l’avoir détourné de la religion. Les néo-catholiques, sous la reine Isabelle, ont tenu le pouvoir presque constamment. Ils furent les doctrinaires de ce régime. Disciples des nôtres, ils

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  1. La Formula del Progreso.