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n’est plus décevant que les calculs et les pointages électoraux : nous avons vu dans notre propre histoire, notamment sous la Restauration, des lois, faites pour produire un certain effet, en produire un tout opposé. L’expérience seule aurait pu montrer en Belgique dans quelle mesure les prévisions gouvernementales étaient destinées à se réaliser, et l’expérience ne sera pas faite. Mais enfin, en prenant les chiffres des dernières élections, voici à quels résultats on arriverait par l’application opposée du projet de loi : les libéraux gagneraient 11 voix ; les socialistes perdraient sur un point, se rattraperaient sur un autre, et finalement conserveraient leur contingent d’aujourd’hui. Il semble donc que les catholiques se dépouillaient eux-mêmes de 11 sièges pour les abandonner aux libéraux, ce qui doublait presque leur lot actuel.

N’était-ce pas tout profit pour eux ? C’est là-dessus que comptaient les catholiques pour les détacher des socialistes et les reconstituer à l’état de parti autonome, intention qui peut-être était bonne, mais qui n’a pas été comprise. Les libéraux étaient déjà engagés trop à fond avec les socialistes pour rompre une alliance dont ils comptaient, au surplus, retirer des avantages supérieurs à ceux qu’on leur offrait. Le mécontentement avait été trop vif chez eux, et les vexations endurées avaient été trop ardemment ressenties, pour qu’un simple rameau d’olivier, un peu mesquin et équivoque, suffit à apaiser leurs esprits courroucés. Au reste, et toujours en raisonnant sur les dernières statistiques électorales, l’application du projet du gouvernement consolidait, tout en la diminuant un peu, la majorité catholique ; or, libéraux et socialistes nourrissent l’espoir de la renverser. Ils se trompent peut-être ; mais, au moment où le projet ministériel est venu les surprendre, ils étaient décidés à jouer sur cette carte leur fortune politique, et ils avaient mis déjà trop d’emportement dans leur campagne pour en modifier tout d’un coup ou même en modérer la direction. Ils veulent sans doute une réforme électorale, mais une autre que celle de M. Vandenpeereboom. Ils demandent l’application de la représentation proportionnelle, non pas à sept circonscriptions, mais à toutes, et les radicaux la réclament avec eux. Quant aux catholiques, ils sont divisés. On a reproché à M. Vandenpeereboom de n’avoir consulté sérieusement personne avant d’arrêter son projet. Il a fait venir chez lui ses amis par groupes, ou, comme on a dit, par petits paquets ; mais il leur a fait part de ses résolutions beaucoup plus qu’il ne leur a demandé ce qu’ils en pensaient. Aujourd’hui, même dans le parti catholique, les partisans du projet ne sont pas en majorité.