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arêtes vives du sonnet, et de curieuse habileté dans le choix des mots et des rimes, et dans les coupes du vers :


Je fece ‘ na parlata un po’ generica,
E poi je disse : — Io avrebbe l’intenzione,
Si lei m’ajuta, di scopri l’America.


« — Mais, demande le roi, êtes-vous sûr qu’il y en ait une ? » Colomb, blessé, s’irrite : « — Ah ! qu’il fait, je m’étonne qu’un homme comme vous puisse en douter ! Alors, vous voulez dire que vous me prenez pour un homme qui vient ici pour vous embrouiller ?… » Bref, le roi est vite convaincu. « — Vous comprenez mon raisonnement ? » demande Colomb. « — Sûr, dit le roi, et ça me plaît. Et, tenez, je vous avouerai que je ne l’avais jamais entendu. Mais, continue-t-il, pour ce qui regarde l’exécution du projet, comme tout de même… pour les cas où… »

Ici le conteur est interrompu : « — Mais, pardon, arrêtez-vous un moment… Mais toutes ces fariboles-là, comment est-ce que tu les sais ? — Eh ! je les sais parce que j’ai bonne mémoire. — Allons donc ! reprend l’autre avec ironie, tu y étais ? — Qu’est-ce que tu veux dire ? Je les sais parce que je les ai lues dans l’histoire. » Et aussitôt perce l’orgueil du Romain, tout enflé du seul nom de la Ville Eternelle : « — Dans l’histoire romaine ? — Bien entendu : dans l’histoire la plus grande et la plus magnifique, qui serait comme le grand livre universel. »


Ne la storia romana ? — È naturale !
Ne la storia più granne e più magnifica
Che sarebbe er gran libro universale.


Et comme le Romain, sur le chemin des idées générales, ne s’arrête pas de sitôt, il entonne l’éloge de l’histoire : « Les autres livres — ce n’est pas pour en dire du mal — je ne dis pas non, il peut y avoir des choses bonnes, mais en fin de compte, c’est toujours la même chose : tu lis, tu lis, et qu’est-ce que tu lis ? des inventions. Mais au contraire, avec l’histoire universelle, il n’y a pas à faire de comparaison ; car là tu trouves écrites au naturel les actions de toutes les personnes. Tu vois, nous : nous sommes maintenant à nous amuser ; on n’y pense pas, nous sommes à l’osteria. Pas du tout : nous sommes tous dans l’histoire. Et c’est justement ce qui m’a toujours satisfait : n’importe quelle histoire que tu prennes, ce n’est pas une histoire, que tu lis : tu lis un fait. » Le